CA Paris, Pôle 5, Ch. 2, 12 janvier 2018
La Cour d’appel de Paris rappelle, dans cet arrêt rendu le 12 janvier 2018, les conditions de validité d’une cession de droits d’auteur. Elle affirme ainsi l’importance d’un contrat de cession comportant certaines mentions obligatoires, en soulignant l’insuffisance des conditions générales de participation à un concours.
En l’espèce, le litige oppose une plateforme de téléchargement de livres numériques à l’auteur d’un roman.
La plateforme organise chaque année un concours à l’occasion duquel 30 participants sont tirés au sort pour obtenir un tirage de 100 exemplaires de leur manuscrit, préalablement déposé sur le site internet dédié à cet événement.
L’auteur du roman litigieux, qui a participé à l’édition 2013 du jeu-concours, voit son œuvre refusée par la plateforme mais constate pourtant qu’elle est restée accessible et disponible à la vente sur le site de l’éditeur qui en reproduisait intégralement le premier chapitre.
Elle engage une procédure de référé qui a donné lieu à une ordonnance constatant l’absence de trouble manifestement illicite, au motif que l’offre n’avait duré que quelques semaines et n’avait généré aucune commande.
L’auteur assigne néanmoins l’éditeur en contrefaçon devant le Tribunal de grande instance de Paris, en vue d’obtenir des mesures indemnitaires.
Le Tribunal juge qu’en reproduisant et diffusant une partie de l’ouvrage, l’éditeur a commis des actes de contrefaçon de droits d’auteur au préjudice de l’écrivain et condamne en conséquence la société éditrice, qui interjette appel.
La Cour d’appel rappelle les termes de l’article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle qui disposent que la « transmission des droits d’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et à la durée ».
Or, le règlement du jeu concours ne comporte aucune disposition relative à une cession de droits.
La plateforme a finalement tenté de se retrancher derrière un contrat de prestation de services – non signé par l’auteur – et qui confiait à l’éditeur, la publication, la diffusion, la reproduction et la distribution de l’œuvre sous forme papier et numérique de tout participant, qu’il soit gagnant ou non du jeu concours. Le contrat produit comportait une case qui avait été cochée par une croix comportant le message : « Je reconnais avoir pris connaissance du contrat d’édition ci-dessus et en accepte l’intégralité des modalités ».
Néanmoins, il portait la mention de l’édition 2016 du concours alors que l’auteur avait participé à celle de 2013. En tout état de cause, ce contrat, formulé en termes généraux, stipulait que l’offre de la plateforme était une prestation de services, sans aucune référence à une cession de droits d’auteur.
- Sans respecter les mentions légales impératives, il ne pouvait donc valoir cession des droits d’édition.
La plateforme a également été sanctionnée au titre de la reproduction non autorisée des extraits de l’œuvre de l’auteur. S’il est usuel de reproduire des extraits, c’est toujours avec l’autorisation de l’auteur qui peut apprécier quel en sera l’impact.
En l’espèce, aucune autorisation n’a été donnée et aucune parution n’était envisagée. C’est pourquoi cette parution partielle constitue une dénaturation de l’œuvre.
Cet arrêt d’espèce, bien qu’il n’apporte aucune évolution jurisprudentielle, demeure intéressant en ce qu’il rappelle, pour la cession de droits d’auteur, la nécessité de recourir à un écrit conforme aux dispositions de l’article L. 131-3 du CPI visant notamment l’obligation d’énumérer limitativement chacun des droits cédés par des mentions distinctes.