Dans le cadre d’un contentieux opposant la société de gestion collective danoise Copydan et le constructeur de téléphones mobiles Nokia, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a eu l’occasion d’apporter de nombreux éclairages sur le régime de la rémunération pour copie privée.
Pour rappel, la directive 2001/29 octroie aux Etats membres la faculté de prévoir une exception au droit d’autoriser pour les « reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales ». Si un Etat membre prévoit une telle exception, une « compensation équitable » du préjudice causé aux titulaires de droits doit être prévue. En France, les articles L.311-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle instituent cette compensation.
Le litige en l’espèce portait sur l’assujettissement à la rémunération pour copie privée de cartes mémoires amovibles fournies avec des téléphones mobiles, par ailleurs pourvus d’une mémoire interne permettant la copie d’œuvres protégées. Copydan considérait que les cartes mémoires devaient être assujetties au paiement de la rémunération prévue, tandis que Nokia contestait un tel assujettissement.
La Cour affirme sans réserve que la simple capacité d’équipements, appareils et supports à réaliser des reproductions suffit à justifier l’assujettissement d’un support ou appareil au paiement de la rémunération pour copie privée. La liberté accordée aux Etats membres quant à la détermination des supports et appareils assujettis doit néanmoins être encadrée par le principe d’égalité de traitement.
La Cour relève également certains éléments susceptibles d’influer sur le montant de la compensation : le caractère unifonctionnel ou plurifonctionnel du support ; le recours à des mesures techniques de protection limitant la copie. Elle affirme que les Etats sont libres de fixer un seuil de préjudice en-deçà duquel la compensation ne serait pas due.
La Cour rappelle enfin les principes du non assujettissement des supports à destination professionnelle, du remboursement de la compensation due par les acquéreurs de ces supports, et de la non prise en compte des copies réalisées à partir d’une source illicite dans la fixation du montant de la compensation.
L’on relève aussi un point particulièrement intéressant traité par l’arrêt : in fine, la Cour examine la question de savoir si les Etats membres peuvent prévoir que la compensation est due pour les reproductions effectuées par une personne physique à partir ou à l’aide d’un dispositif appartenant à un tiers.
La Cour observe que la directive 2001/29 ne traite pas cette question, qui ne relève donc pas du champ de l’harmonisation de l’exception pour copie privée telle que prévue par la directive. Ainsi, il est loisible aux Etats membre de prévoir une compensation des reproductions effectuées par une personne physique à l’aide du dispositif d’un tiers.
Cette décision permettrait donc aux Etats membres d’envisager une forme d’assujettissement à la rémunération pour copie privée des reproductions d’œuvres protégées réalisées par un particulier par l’intermédiaire d’un dispositif mis à disposition par un tiers, sous réserve que ces reproductions répondent par ailleurs à la qualification de copie privée. Des services, notamment prestés en ligne, permettant le stockage, l’enregistrement ou encore la duplication d’œuvres protégés à distance pourrait ainsi être concernés.
En France, une telle décision fait écho aux travaux du CSPLA sur le « cloud computing »
(« Informatique dans les nuages »), et pourrait amorcer une évolution de la jurisprudence quant aux conditions de l’application de l’exception de copie privée. En effet, à l’heure actuelle la jurisprudence française est plus restrictive en retenant que l’exception de copie privée ne peut bénéficier qu’à la personne du copiste, soit à la personne détenant et exploitant le matériel nécessaire à la confection de copie.
Loïc FOUQUET
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