L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris illustre une nouvelle fois l’équilibre trouvé par les juridictions entre d’une part le droit de propriété des propriétaires d’immeubles, et d’autre part les droits moraux des architectes.
Désireuse de quitter ce centre, la Caisse primaire d’assurance maladie l’avait promis à la vente à une société de droit privé, qui s’était également portée acquéreur de la parcelle voisine.
Un permis de démolir et de construire sur les deux parcelles a été délivré à l’acheteur.
L’architecte a alors assigné celle-ci devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris, s’opposant à la destruction de son œuvre. Le juge des référés a renvoyé les parties devant le juge du fond, enjoignant à la société défenderesse de ne pas détruire l’immeuble jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue.
Le Tribunal de grande instance de Paris a rejeté les demandes formées par l’architecte, qui a formé appel de la décision.
Devant la Cour d’appel de Paris, l’architecte invoquait « l’originalité incontestable » de son œuvre qui présente selon lui « un intérêt architectural et historique, attesté par sa propre renommée, qu’il convient de préserver ». Selon lui, la destruction de ce centre ne serait justifiée par aucun intérêt légitime, et constituerait une atteinte disproportionnée au droit moral qu’il détient sur cette œuvre. L’architecte proposait d’ailleurs une solution architecturale alternative permettant de préserver le bâtiment.
En réponse, l’acheteur soutenait qu’aucun intérêt collectif n’interdit la démolition du bâtiment, qui poursuit un but légitime. Selon lui, la demande d’interdiction sollicitée par l’architecte conduirait à restreinte de manière injustifiée son droit de propriété.
Dans cet arrêt du 2 décembre 2016, la Cour d’appel a tout d’abord rappelé que « la vocation utilitaire d’un bâtiment conçu par un architecte interdit à celui-ci de prétendre imposer une intangibilité absolue de son œuvre, à laquelle son propriétaire ou son acquéreur est en droit d’apporter des modifications lorsque se révèle la nécessité de l’adapter à des besoins nouveaux ». Cette possibilité pour le propriétaire ou l’acquéreur est toutefois encadrée, puisque les modifications ne doivent pas excéder ce qui est strictement nécessaire et ne doivent pas être disproportionnées au regard du but poursuivi.
Selon la Cour d’appel, le projet soutenu par l’acheteur permettrait la création de logements d’habitation, dans une zone où l’offre de logement ne répondait plus aux attentes des habitants, « tant en termes de diversification du parcours résidentiel que de qualité du cadre de vie ». Les juges d’appel, s’appuyant sur des rapports produits par l’acheteur, ont constaté que le bâtiment n’était pas utilisable en l’état, présentant des désordres au niveau des infrastructures et étant amianté.
Par conséquent, la Cour d’appel a confirmé le jugement rendu et débouté l’appelant de sa demande visant à interdire la démolition du bâtiment, qui répondait, selon les juges, à un « motif légitime d’intérêt général, proportionné au regard du droit moral de l’architecte » et ne procédait « pas d’un abus de droit du propriétaire ou du futur acquéreur, ni même d’un comportement fautif ».
Antoine JACQUEMART