Cet arrêt illustre l’impact d’une restructuration au sein d’un groupe sur le montant de la réserve spéciale de participation (« RSP »), mais surtout la nécessité de donner, en vue de la consultation du comité d’entreprise, une information transparente sur les conséquences d’une restructuration.
A l’aide des experts du CE, d’experts judiciaires, et de rapports de l’inspection du travail, le CE et les syndicats ont pu établir que si la société ne distribuait pas de participation, c’était en raison de l’augmentation importante de l’endettement de la société, due à l’emprunt fait en juillet 2007, qui avait eu pour effet la réduction du bénéfice avant impôt de la société.
Le Code du travail prévoit en matière de participation que le montant du bénéfice net servant à la formule de calcul de la RSP (comme d’ailleurs le montant des capitaux propres), est attesté par l’inspecteur des impôts ou le commissaire aux comptes de la société, et qu’il ne peut être remis en cause à l’occasion des litiges nés de l’application des dispositions du Code du travail sur la participation (article L 3326-1).
Pourtant, la Cour d’appel de Versailles, dans l’arrêt commenté, a fait droit à la demande des syndicats plaignants. Elle a jugé que l’opération de restructuration était constitutive d’une manœuvre frauduleuse de la part de la direction des sociétés françaises du groupe, et en conséquence l’a déclarée inopposable aux salariés dans ses effets sur la RSP. Elle a renvoyé à des experts le soin de fournir les éléments nécessaires au calcul de la RSP après neutralisation des effets de l’emprunt.
Cet arrêt fera peut-être l’objet d’un pourvoi et d’une censure de la Cour de cassation tant les termes du Code du travail sont clairs quant à l’impossibilité de remettre en cause l’attestation délivrée par le commissaire aux comptes (qui en l’occurrence avait remis une attestation établissant le bénéfice net). Cependant un certain nombre d’éléments relevés par la CA de Versailles à l’appui de sa décision méritent d’être signalés.
Un des attendus de l’arrêt résume clairement l’appréciation globale qui ressortait du traitement social de cette affaire :
« Ainsi, les sociétés WKF et HWKF, par des manœuvres frauduleuses, constituées à la fois par la non communication au CE des documents comptables légalement obligatoires et par un discours trompeur auprès du CE, ont sciemment dissimulé au CE de la société WKF une des conséquences importantes de l’opération de restructuration COSMOS, à savoir l’augmentation importante de l’endettement de la société WKF ayant pour effet direct l’absence de RSP et donc du versement de cette participation aux salariés, avant et après l’opération intervenue en juin 2007. »
En effet, la CA a relevé que, dans le cadre de la consultation, en vue de la réorganisation, des comités d’entreprise des entreprises objet de la réorganisation, la direction avait affirmé que l’opération n’aurait aucune conséquence sociale, en particulier sur les salaires. Certes la participation n’a pas la nature de salaire. Mais dans le cas d’une réorganisation, qui peut toujours avoir un effet sur un ou plusieurs des paramètres de la formule de calcul de la RSP, il est fortement conseillé d’anticiper cet effet et d’en informer le comité d’entreprise. A cet égard la CA de Versailles ne s’est pas privée d’observer que la DRH du groupe avait un diplôme d’avocat, ni d’ailleurs que le groupe Wolters Kluwer était spécialisé dans l’information juridique et fiscale.
La Cour d’appel a également relevé que l’emprunt avait été souscrit par la société absorbante après l’opération de transmission universelle du patrimoine, et avant la création du comité d’entreprise dans la société absorbante. Même si cette chronologie n’avait sans doute pas été choisie à dessein, ceci, ajouté au fait que la direction a ensuite été très réticente à communiquer au CE une information complète sur l’emprunt litigieux, puisqu’il a fallu attendre près de deux ans après la réorganisation pour que l’information complète soit donnée, a compté pour convaincre la CA que la direction avait souhaité dissimuler, vis-à-vis des IRP, l’emprunt important qu’elle contractait auprès de sa société mère.
Anne CIRET
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