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  1. Respect de la vie personnelle : risque d’absence de cause réelle et sérieuse Cass. soc., 25 sept. 2024, 22-20672

Nous faisons suite au flash que nous avons publié hier (voir ici). L’atteinte par l’employeur à la vie personnelle ou l’intimité de la vie prive du salarié est différemment sanctionnée. Si hier nous avons vu que l’atteinte à la liberté fondamentale que constitue l’intimité de la vie privée entraine la nullité du congédiement qui ne la respecte pas (Cass. soc., 25 sept. 2024, 23-11860), nous allons voir ci-dessous que le licenciement non-respectueux de la vie personnelle est uniquement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 25 sept. 2024, 22-20672).

Dans cette seconde affaire, rendue le même jour, un salarié était embauché en tant que machiniste receveur, puis révoqué (équivalent d’un licenciement) pour faute grave en raison de « propos et comportement portant gravement atteinte à l’image de l’entreprise et incompatibles avec l’obligation de sécurité de résultat de la RATP tant à l’égard de ses salariés que des voyageurs qu’elle transporte ».

En l’occurrence, le salarié avait fait l’objet d’un contrôle d’identité après sa journée de travail alors qu’il se trouvait sur la voie publique à bord de son véhicule personnel. Lors du contrôle de police, les forces de l’ordre avaient notamment constaté la détention et la consommation de produits stupéfiants par le salarié, outre son comportement particulièrement irrespectueux.  La procédure pénale avait néanmoins finalement été classée sans suite par décision du procureur de la République, l’infraction n’étant pas suffisamment caractérisée.

Suite à ce signalement spontanément émis par l’autorité de police judiciaire, l’employeur avait donc procédé à la révocation du salarié pour faute grave.

Estimant que la rupture de son contrat de travail devait être requalifiée en révocation nulle, le salarié saisissait la juridiction prud’hommale.

La cour d’appel jugea la révocation nulle comme attentatoire à la vie privée constatant que les faits reprochés au salarié ne se rattachaient pas suffisamment à sa vie professionnelle pour retenir une faute disciplinaire pour les raisons suivantes :

  • le fait que le salarié lors du contrôle de police signale sa profession et son appartenance à la RATP n’était qu’une réponse à la question relative à la profession qui a nécessairement été posée par le service de police ;
  • le contrat de travail interdisait la prise de stupéfiants avant ou pendant le service, mais pas après, or le contrôle de police avait eu lieu après le service du salarié ;
  • la prise de stupéfiant n’avait pas été caractérisée, les tests s’étant révélés négatifs.

La cour d’appel jugea ainsi le licenciement nul en raison de l’atteinte portée au droit fondamental du salarié à sa vie privée.

Sans suivre le raisonnement de la cour d’appel, la chambre sociale de la Cour de cassation condamne l’employeur, mais en jugeant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle se fonde sur les articles L1235-1, L1235-2, L1235-3, L1235-3-1 du code du travail dont elle déduit que « la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur n’ouvre droit pour le salarié qu’à des réparations de nature indemnitaire et que le juge ne peut, en l’absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d’une liberté fondamentale, annuler un licenciement. » (§9).

Puis elle rappelle le droit au respect de la vie privée, liberté fondamentale au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relatif à l’article 2 de la DDHC (§10).

En application de ces textes, la Cour de cassation juge que la cour d’appel :

« 14. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la révocation était fondée sur des faits de détention et de consommation de produits stupéfiants à bord de son véhicule, constatés par un service de police sur la voie publique, étrangers aux obligations découlant du contrat de travail, ce dont il résultait que le motif de la sanction était tiré de la vie personnelle du salarié sans toutefois relever de l’intimité de sa vie privée, de sorte que, si le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, il n’était pas atteint de nullité en l’absence de la violation d’une liberté fondamentale, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

La Cour de cassation affirme que la détention et la consommation de produits stupéfiants par le salarié à bord de son véhicule personnel, hors du temps et du lieu de travail, ne relèvent pas de sa vie privée, mais de sa vie personnelle. En conséquence, le licenciement prononcé pour ce motif n’est pas nul, mais sans cause réelle et sérieuse.

  1. Distinction vie privée et vie personnelle

Les faits « étrangers aux obligations découlant du contrat de travail » ressortent de la vie personnelle du salarié mais ne se produisent pas nécessairement dans l’intimité de sa vie privée. L’intimité de la vie privée devrait donc recouvrir une notion plus restreinte que la vie personnelle (comme les relations intimes, la santé, les correspondances privées, etc.).

Ainsi, sauf à ce que les faits constituent un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail:

  • l’atteinte au respect de l’intimité de la vie privée (santé, correspondances privées, relations intimes, etc) est susceptible de justifier l’annulation d’un licenciement pour violation d’une liberté fondamentale (voir notre flash d’hier ici) ;
  • l’atteinte à la vie personnelle qui recouvre des faits hors du cadre professionnel mais n’entrant pas dans l’intimité de la vie privée, est susceptible de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
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