Distinction entre l’auteur et le responsable de la résiliation d’un contrat d’agence commerciale
Dans un arrêt du 28 mai 2024, la Cour d’appel de Pau s’est prononcée sur l’imputabilité de la résiliation d’un contrat d’agence commerciale survenu dans des circonstances particulières mettant en jeu l’exécution par le mandant :
- de son obligation de loyauté vis-à-vis de son agent commercial,
- du devoir réciproque d’information entre le mandant et l’agent commercial.
Un contrat d’agent commercial avait été conclu entre une société immobilière (Human Immobilier) et un agent commercial, portant sur la commercialisation de biens immobiliers sur un secteur géographique donné, correspondant au secteur géographique de l’une des agences immobilières du mandant. Le contrat d’agence commerciale prévoyait que l’agent commercial avaient accès une demi-journée par semaine aux locaux de l’agence immobilière en question.
Au bout de 7 mois, une vive altercation a eu lieu entre l’agent commercial et le responsable de l’agence immobilière, celui-ci reprochant au premier, notamment, une tenue vestimentaire inadaptée à sa fonction et lui demandant de quitter immédiatement les locaux de l’agence, de rendre les clés de celle-ci ainsi que les clés de son casier et de remettre son ordinateur professionnel. L’agent commercial s’est exécuté. Le jour même, l’agent commercial a suspendu toute activité professionnelle. Il a en outre adressé aux responsables de l’agence immobilière et au directeur de réseau de la société immobilière un courriel décrivant avec précision l’incident survenu, les demandes formulées par le responsable de l’agence, le motif de l’altercation jugé discriminatoire par l’agent commercial. Il demandait par ailleurs au directeur du réseau d’intervenir pour régler la situation.
La teneur de ce courriel n’a été contestée ni par le directeur de l’agence commerciale en cause, ni par la société immobilière, mais n’a pas non plus reçu de réponse. Au bout de 2 mois, la société immobilière a mis en demeure l’agent commercial par lettre recommandée avec accusé de réception de lui indiquer ses intentions. L’agent commercial a répondu en notifiant à la société immobilière la résiliation du contrat d’agent commercial avec effet immédiat et en réclamant l’indemnité à laquelle il avait droit.
La Cour d’appel de Pau a considéré que la résiliation du contrat émanait certes de l’agent commercial mais qu’elle était imputable au mandant : en effet, la crise entre l’agent commercial et le responsable de l’agence immobilière compromettait objectivement la poursuite du contrat et nécessitait, en conséquence, l’intervention du mandant pour y mettre un terme et en gérer les conséquences. Or, en ne répondant pas au courriel de l’agent commercial et en ne prenant aucune mesure pour régler la situation conflictuelle, le mandant a laissé la crise perdurer et a manqué à ses obligations d’exécuter le contrat de bonne foi. De plus, il n’a pas, par sa carence, mis son agent commercial en mesure d’exécuter au mieux son contrat. Ainsi, l’ignorance dans laquelle le mandant a laissé l’agent commercial suite à sa légitime demande sur la sortie de crise a été jugée fautive.
Selon la Cour, la décision de rompre prise par l’agent commercial était légitime et ne le privait pas de son droit à indemnisation. Cet arrêt illustre ainsi une situation, qui n’est pas si fréquente, d’un agent commercial auteur d’une résiliation mais qui n’en est pas tenu responsable et qui ne doit donc pas être considéré comme privé de l’indemnité légale compensatrice de fin de contrat.