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Nous revenons sur une décision du 14 février 2024 rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation et portant sur l’atteinte au droit à l’image des salariés par l’employeur (Cass. soc., 14 fév. 2024, 22-18014).

Un salarié, employé au sein d’un service de conciergerie d’une banque, avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande de dommages et intérêts en raison de l’utilisation abusive de son droit à l’image de 2012 à 2015. Il reprochait à son employeur d’avoir diffusé, sans son consentement, des photographies le représentant dans des supports destinés aux clients.

La société reconnaissait avoir diffusé auprès de ses clients une plaquette de présentation des concierges, comportant une photographie du visage et une du buste de chaque concierge ainsi que des photographies de groupe. Toutefois, elle estimait qu’il ne s’agissait pas d’une campagne publicitaire mais d’une simple plaquette de présentation des concierges adressée aux clients.

La cour d’appel jugeait que bien que la société n’eût pas dû utiliser le nom de famille et l’image du concierge à l’occasion de 2 campagnes publicitaires en 2012 et 2015, le salarié ne produisait pas le document critiqué, ce qui ne mettait pas en mesure la cour d’apprécier la réalité de l’atteinte invoquée. En effet, le salarié ne produisait aucune pièce utile à l’appui de sa prétention, en particulier, il ne produisait pas le document comportant les photographies diffusées.

La Cour de cassation, au visa de l’article 9 du code civil, rappelle le principe selon lequel « le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation, et que la seule constatation d’une atteinte ouvre droit à réparation. »

Constatant que l’employeur ne contestait pas avoir utilisé l’image du salarié pour réaliser la plaquette adressée aux clients, et que le salarié affirmait ne pas avoir donné son accord quant à cette utilisation, la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel, et juge que « la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image ouvre droit à réparation ».

Autrement dit, le simple fait de diffuser les photos de salariés sans leur accord auprès des clients constitue une atteinte au droit à l’image du salarié qui s’y oppose, et ouvre droit à réparation, sans qu’il soit nécessaire que le salarié ne démontre l’existence d’un préjudice. Ainsi, le salarié n’a pas à produire la plaquette de photographies dès lors que l’employeur ne conteste pas en avoir utilisé l’image et alors que le salarié ne lui avait pas donné son accord.

Cette décision rappelle l’importance du droit à l’image qui a valeur d’une liberté fondamentale protégée par la Constitution (DC, 23 juill. 1999, 99-416). Elle réaffirme également la nécessité pour l’employeur de recueillir le consentement explicite des salariés en cas d’utilisation de leur image.

Cette décision confirme une décision antérieurement rendue par la Cour de cassation appliquant un raisonnement identique (Cass. soc., 19 janv. 2022, 20-12420 ).

Pour mémoire, depuis 2016 la chambre sociale de la Cour de cassation affirme qu’il n’existe plus de préjudice « nécessaire », le salarié devant impérativement démontrer la réalité d’un préjudice pour obtenir réparation du non-respect par l’employeur d’une obligation légale (Cass. soc., 13 avril 2016, 14-28293, décision largement confirmée depuis). L’atteinte au droit à l’image est donc une des exceptions à ce principe général ; elle cause nécessairement un préjudice que les juridictions doivent réparer en octroyant une indemnité au salarié à ce titre.

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