Du nombre et du périmètre des établissements distincts au sein du CSE
Cass. Soc. 19 décembre 2018, 18-23655
A défaut d’accord, l’établissement distinct est celui au sein duquel son responsable bénéficie d’une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service.
Depuis un peu plus d’un an, de nombreuses entreprises en France mettent en place leur comité économique et social (CSE). En effet, une des ordonnances dites Macron du 22 septembre 2017 (n°2017-1386) a prévu la disparition des anciennes institutions représentatives du personnel (délégués du personnel, comité d’entreprise et CHSCT) et leur remplacement par l’instance unique qu’est le CSE. La mise en place de ce dernier est possible depuis le 1er janvier 2018 ; elle doit intervenir à la fin des mandats des anciennes institutions et, au plus tard, au 31 décembre 2019.
A cette occasion, si l’entreprise concernée compte plusieurs établissements distincts, elle devra constituer autant de CSE d’établissement. La question se pose donc des éléments constitutifs d’un établissement distinct.
Le plus simple est de conclure un accord collectif déterminant le nombre et le périmètre des établissements distincts (art. L2313-2 c. trav.). Dans ce cas, dès lors que les conditions de validité pour cet accord collectif sont remplies (« sa signature par, d’une part, l’employeur ou son représentant et, d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique », art. L2232-12 al. 1er c. trav.), la détermination des établissements distincts tels que stipulés audit accord n’est pas contestable. Cela peut aller jusqu’à une situation où une entreprise qui, dans les faits, aurait plusieurs établissements mais signerait avec ses organisations syndicales représentatives un accord collectif stipulant l’existence d’un seul établissement n’aurait qu’un unique CSE à mettre en place, sans CSE d’établissement.
A noter qu’en l’absence de délégués syndicaux au sein de l’entreprise, un accord entre l’employeur et le CSE existant (ou le comité d’entreprise existant en attendant la mise en place d’un CSE), adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel au comité, peut alternativement et valablement déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts (art. L2313-3 c. trav.).
Plus difficile est la situation d’un employeur qui ne parvient pas à signer un tel accord. Dans ce cas, il lui appartient de fixer unilatéralement le nombre et le périmètre des établissements distincts (art. L2313-4 c. trav.). Dans le délai de quinze jours à compter de la date à laquelle ils en ont été informés, les organisations syndicales (ou le CSE existant) peuvent contester la décision de l’employeur devant le Direccte (art. R2313-1 al. 3 c. trav.) dont la décision pourra faire l’objet d’un recours devant le tribunal d’instance (art. R2313-2 c. trav.).
Il est en conséquence nécessaire pour l’entreprise d’être rigoureuse dans la détermination de ses établissements distincts sauf à risquer un contentieux chronophage et donc à éventuellement repousser subséquemment d’autant l’élection des membres du CSE (lorsqu’elle intervient dans le cadre d’un processus électoral global, la saisine de l’autorité administrative suspend ce processus jusqu’à la décision administrative et entraine la prorogation des mandats des élus en cours jusqu’à la proclamation des résultats du scrutin, art. L2313-5 c. trav.).
Le code du travail dispose que le nombre et le périmètre des établissements distincts est fixé « compte tenu de l’autonomie de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel » (art. L2313-4 c. trav.). La Cour de cassation vient récemment de juger qu’il en résultait que caractérise « un établissement distinct l’établissement qui présente, notamment en raison de l’étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service » (Cass. Soc. 19 décembre 2018, 18-23655). La haute juridiction a publié une note explicative de sa décision. Elle y précise que, ce faisant, elle reprend la jurisprudence dégagée par le Conseil d’Etat pour la mise en place des comités d’établissement qui « se référait à ‘l’autonomie de l’établissement’, en y ajoutant une condition de stabilité et d’implantation géographique distincte » et s’attachait « essentiellement à vérifier les pouvoirs consentis au responsable de l’établissement et l’autonomie de décision dont il pouvait disposer pour que le ‘fonctionnement normal des comités d’établissement puisse être assuré à son niveau’, pouvoirs qui devaient être caractérisés en matière de gestion du personnel et d’exécution du service ».
Dans l’arrêt du 19 décembre 2018, au sein du groupe SNCF, deux organisations syndicales avaient contesté le périmètre des trente-trois établissements distincts fixés unilatéralement par la direction au sein des trois EPIC constituant le groupe. Jugeant que la compétence et l’autonomie dévolues aux chefs des établissements fixés par la direction étaient effectives et que les organisations syndicales ne démontraient pas l’existence de pouvoirs effectifs d’autres responsables en matière de gestion du personnel ou d’exécution du service, la Cour de cassation a approuvé le Direccte et les juridictions d’avoir refusé de reconnaitre des établissements distincts supplémentaires.
A noter qu’à cette occasion est écarté le critère de proximité que les organisations syndicales invoquaient pour reconnaitre l’existence d’établissements distincts, la note jointe à l’arrêt précisant que cela aurait été « ajouter à la loi ». Ainsi, n’ont pas prospéré les arguments selon lesquels il conviendrait d’assurer aux salariés (i) une représentation de proximité anciennement dévolue aux délégués du personnel ou (ii) leurs intérêts quant aux prérogatives en matière de santé et de sécurité anciennement dévolues au CHSCT. Conformément à la loi, seule l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en raison de l’étendue des délégations de compétence dont il dispose, importe.