Par trois arrêts du 3 mai 2012, la chambre commerciale de la Cour de cassation refuse le statut d’hébergeur à eBay et confirme ainsi le raisonnement tenu par la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 3 septembre 2010.Certaines sociétés de l’industrie du luxe (Louis Vuitton Malletier, Christian Dior Couture d’une part et les sociétés de Parfum Dior, Kenzo, Givenchy et Guerlain) reprochaient à eBay d’avoir permis la vente aux enchères de produits contrefaisant ces marques ainsi que la vente de leurs parfums en dehors du réseau de distribution sélective sur les sites ebay.co.uk et ebay.com. Ces ventes ont été constatées de 2001 à 2006.
L’une des questions était bien évidemment de savoir si eBay pouvait être considérée hébergeur et bénéficier du régime de responsabilité limitée prévu par la LCEN du 21 juin 2004 transposant la directive 2000/31 du 8 juin 2000.
La chambre commerciale semble reprendre le raisonnement tenu par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 12 juillet 2011 concernant également eBay.
D’une part, afin d’être qualifié d’hébergeur, le prestataire de service doit démontrer un rôle passif, neutre, purement technique et automatique de traitement des données stockées.
D’autre part, si le statut d’hébergeur est reconnu, sa responsabilité ne sera pas engagée s’il n’avait pas effectivement connaissance du contenu illicite ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce contenu.
La chambre commerciale considère qu’eBay n’exerce pas une simple activité d’hébergement dans la mesure où le site :
– fournit aux vendeurs des informations pour permettre d’optimiser la vente et une assistance dans la définition et la description des objets en vente ;
– propose la création d’un espace personnalisé et un service d’assistants vendeurs ;
– envoie des messages spontanés aux acheteurs pour inciter à l’achat ou pour les renvoyer à la vente de produits similaires en cas d’échec de leur enchère.
La Cour de cassation en déduit alors « un rôle actif, [indépendamment de toute option du vendeur], de nature à conférer à eBay la connaissance ou le contrôle des données stockées » engageant ainsi sa responsabilité et la privant du régime dérogatoire de responsabilité de l’article 6.1.2 de la LCEN.
La chambre commerciale entérine donc la jurisprudence récente de la CJUE : la connaissance a priori du contenu mis en ligne pourrait dès lors suffire à exclure la qualification d’hébergeur et l’application du régime dérogatoire s’y rattachant.
A noter toutefois que le montant important des dommages et intérêts (2 680 000 euros pour Dior, 2 200 000 euros pour Vuitton et entre 133 000 et 275 000 euros pour chacune des sociétés de parfums) va probablement être revu à la baisse par la cour d’appel de renvoi. En effet, les arrêts de la cour d’appel ont été partiellement cassés pour incompétence des juridictions françaises concernant le site ebay.com ainsi que pour absence de violation de l’interdiction de revente hors des réseaux de distribution sélective lors de reventes par de simples particuliers.
Géraldine DENIS