Echec d’un projet informatique du fait du prestataire
Il appartient à un prestataire informatique de prendre la mesure de la complexité technique du projet qui lui est confié afin de s’assurer qu’il sera à même de mener à bien sa mission.
L’analyse de l’échec d’un projet informatique doit être analysé in concreto et notamment, en fonction de la nature du contrat, du degré d’intervention et de la compétence du client dans le projet, des promesses contractualisées du prestataire,… Ainsi, si des décisions peuvent considérer après une telle analyse que la responsabilité de l’échec d’un projet informatique peut incomber au client [Netcom Janvier 2012], certaines d’entre elles continuent à considérer le prestataire comme responsable : l’arrêt d’espèce en est une illustration.
Une société avait fait appel à un prestataire informatique afin de réaliser un site internet. Le contrat signé comportait deux phases pour un montant total de 45.000 €uros H.T. et le prestataire s’engageait à produire une « première version du Produit, appelée « bêta fonctionnelle », version commercialisable reprenant les fonctionnalités essentielles du logiciel [concerné] »
Quelques mois plus tard, le prestataire indiquait à sa cliente que le coût de la réalisation du projet devait être porté à 147.000 €uros pour le mener à bien, ce que la société cliente refusa. Le prestataire résiliait verbalement le contrat et cherchait un nouveau partenaire pour la société cliente, cette dernière acceptant de délier le prestataire de ses obligations au cas de signature d’un nouveau contrat. N’étant pas parvenu à un accord, la société cliente a alors agi à l’encontre du prestataire, lui reprochant de ne pas avoir mené à bien les prestations qui lui avaient été confiées.
En première instance, le Tribunal de commerce de Paris avait retenu la responsabilité du prestataire informatique. La Cour est allée dans le même sens, faisant notamment état (i) des incohérences techniques du projet, telles que l’emploi d’une terminologie du contrat manifestement inadaptée : « les notions de « version bêta » et de « commercialisable » sont antinomiques » ainsi que (ii) de la présence de nombreuses imprécisions dans le cadre de la mise en œuvre du projet : « de nombreuses évolutions sont indiquées (…) comme « à prévoir », « à finaliser », certains éléments étant encore « en cours de construction » ».
A ce titre, la Cour a refusé de considérer que les demandes du client en cours de projet pouvaient être assimilées à des demandes nouvelles mais devaient au contraire être considérées comme des précisions compte tenu du caractère incomplet du cahier des charges : ainsi, la Cour reproche au prestataire d’avoir adhéré au projet « avant de réaliser qu’une telle mission était chronophage ». La Cour a néanmoins estimé qu’il ne pouvait être reproché au prestataire un retard dans l’accomplissement du projet, alors qu’aucune échéance n’avait été prévue et que sa demande initiale était incomplète.
Dès lors la Cour conclut que la rupture du prestataire était fautive.
En première instance, le Tribunal avait condamné le prestataire à verser à la société cliente les sommes suivantes : (i) 7.600 euros avec intérêts, (ii) 47.700 euros de dommages-intérêts et (iii) 5.000 euros d’article 700 CPC. La Cour a réduit le quantum des dommages-intérêts à 30.000 euros et a confirmé la condamnation au titre de l’article 700.
Olivier HAYAT