Egalité de traitement et responsabilité mère/fille
Dans un arrêt du 19 juillet 2012, la Cour européenne de justice (« la Cour ») a confirmé l’arrêt du 27 octobre 2010 rendu par le Tribunal de l’Union européenne (« le Tribunal ») dans l’affaire du marché espagnol des tabacs bruts (Voir la Lettre Economique n°108).
Pour mémoire, la Commission avait, dans une décision du 20 octobre 2004, infligé des amendes d’un montant total de 20 millions d’euros à cinq sociétés actives sur le marché espagnol de la transformation du tabac brut pour s’être entendues sur les prix payés et les quantités achetées aux producteurs de tabac.
Trois des sociétés, dont la société TCLT, avaient introduit un recours devant le Tribunal aux fins d’annulation de la décision de la Commission. A l’appui de son recours, la société TCLT avait notamment soulevé l’argument selon lequel la Commission aurait violé le principe d’égalité de traitement dans son appréciation de l’imputabilité de la responsabilité de l’infraction commise par sa filiale WWTE. Le Tribunal avait retenu l’argument pour annuler la sanction à son égard.
La Commission a donc introduit un pourvoi devant la Cour aux fins d’annulation de la décision du Tribunal.
Dans son arrêt, la grande chambre de la Cour rappelle qu’afin d’établir si une filiale détermine de façon autonome son comportement sur le marché, et donc, si les infractions qu’elle a commises sont imputables ou non à sa société mère, « la Commission est en principe tenue de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société mère », à l’exception toutefois du cas particulier où la société mère détient 100% du capital de sa filiale ayant commis une infraction. En effet, dans ce cas particulier, la jurisprudence de la Cour – désormais bien établie – précise qu’ « il existe une présomption réfragable selon laquelle (…) la société mère exerce effectivement une telle influence ».
Dans cette affaire, la Commission avait décidé, dans son appréciation de l’exercice effectif par les sociétés mères d’une influence déterminante sur leurs filiales, de tenir les sociétés mères pour responsables uniquement lorsque des éléments de preuve venaient confirmer la présomption d’exercice effectif. Le Tribunal en avait déduit qu’elle avait donc « renoncé à s’en tenir à l’application de la seule présomption de l’influence déterminante ».
Or, s’agissant précisément de la société TCLT, la Commission avait fait reposer son analyse sur le seul fondement de la présomption d’imputabilité du capital de sa filiale, violant ainsi le principe de l’égalité de traitement.
La Cour confirme alors la position du Tribunal en ce qu’il a jugé que « le principe d’égalité de traitement requiert que, lorsque la Commission adopte une méthode (…) pour déterminer s’il y a lieu de retenir la responsabilité des sociétés mères dont les filiales ont participé à une même entente, elle doit, sauf circonstances particulières, se fonder sur les mêmes critères dans le cas de toutes ces sociétés mères ».