Le Code du travail qualifie expressément l’enquête portant sur une demande d’autorisation de licenciement de « contradictoire » (article R2421-4 du code du travail). Le principe ne surprend guère. Mais en pratique, qui fait quoi ? Une communication des pièces incombe-t-elle aux parties ? Le Conseil d’Etat vient de rappeler avec force le rôle et les responsabilités de l’agent de l’administration s’agissant des pièces versées par les parties.
L’enquête administrative se doit d’être contradictoire, notion qui renvoie à l’environnement contentieux et précontentieux. Les droits de la défense doivent ainsi être respectés, de même que les droits de la défense s’appliquent et imposent le respect de certaines règles lors de l’entretien préalable à un éventuel licenciement. En résumé, le salarié doit se voir exposer la nature des griefs qui lui sont reprochés, avec suffisamment de détails pour y répondre utilement et s’en expliquer.
Des droits de la défense « renforcés » en cas de procédure pour motif personnel. Mais l’inverse de l’entretien préalable où les pièces (attestations, courriers, emails, témoignages etc.) n’ont pas à être remises obligatoirement, le salarié doit pouvoir y accéder dans le cadre de l’enquête contradictoire de l’Inspection. A cet égard, ce droit d’accès rapproche la procédure administrative des procédures judiciaires civiles classiques où la communication des pièces entre les parties est un impératif, en préalable à tout examen du dossier par les juridictions.
Des droits de la défense dont le respect incombe clairement à l’administration.
Dans le cadre de l’enquête administrative, les parties remettent des pièces à l’Inspection mais elles n’ont pas l’obligation express de les adresser à la partie adverse. Elles le font souvent spontanément pour diverses raisons (transparence, bonne foi, stratégie etc.), mais pas systématiquement ou pas intégralement. L’arrêt rendu le 19 juillet dernier par le Conseil d’Etat vient utilement rappeler le rôle de l’Inspection à cet égard.
Non seulement c’est à l’administration de veiller à la bonne transmission des pièces, transmission nécessaire au salarié pour se défendre. La circulaire ministérielle encore trop méconnue du 30 juillet 2012 relative aux décisions administratives en matière de rupture ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés est ainsi rappelée (circulaire DGT 07/2012).
Un droit d’accès aux pièces à géométrie variable. L’Inspecteur doit garantir au salarié l’accès à toutes les pièces remises par l’employeur (y compris par voie digitale ce qui constitue un apport de cette décision du Conseil d’Etat). Ce droit est un droit absolu en matière de licenciement pour motif personnel, non encore transposé par la jurisprudence au motif économique mais qui en prend le chemin. Un seul tempérament à cette obligation : si besoin, l’Inspection devra occulter certaines mentions qui relèveraient de la vie privée, de comportements de tiers ou qui seraient couvertes par des secrets protégés par la Loi (secret médical, secret de fabrication…). De son côté, l’employeur ne dispose pas du même droit d’accès aux pièces adverses. A son égard, l’administration doit seulement lui transmettre la teneur précise des éléments remis par le salarié, mais pas obligatoirement les pièces elles-mêmes. Pour autant, une retranscription infidèle ou insuffisamment précise des pièces permettrait à l’employeur de contester la validité de la décision administrative a posteriori. L’enjeu est de taille pour l’Inspection car la sanction encourue est la nullité de l’acte administratif.
L’employeur a donc tout intérêt à solliciter systématiquement l’accès aux pièces du salarié. Et pour éviter tout risque d’annulation, l’Inspection pourra décider d’y répondre favorablement. Ce n’est pas obligatoire, mais ce n’est pas interdit non plus…
Virginie DELESTRE