Entente et clause de non réaffiliation postcontractuelle
La société Supercham avait conclu un contrat de franchise avec Carrefour Proximité France (« Carrefour ») pour l’exploitation d’un fonds de commerce sous l’enseigne Shopi ainsi qu’un contrat d’approvisionnement prioritaire avec Champion Supermarché France (« CSF »).
CSF ayant suspendu ses livraisons à Supercham pour des raisons d’impayés, cette dernière avait alors décidé de s’approvisionner auprès de Segurel, de s’affilier au réseau de la marque Coccinelle puis de résilier son contrat de franchise avec Carrefour.
Cet accord de franchise contenait pourtant une clause de non réaffiliation postcontractuelle aux termes de laquelle Superchamp s’était engagée pendant une durée de 3 ans à l’issue de la résiliation du contrat à ne pas se réaffilier à une enseigne de renommée nationale ou régionale dans un rayon de 5 km du magasin objet du contrat.
Deux sentences arbitrales, rendues respectivement en 1998 et 2001, avaient reconnu la responsabilité de Supercham pour violation des dispositions de cette clause de non réaffiliation.
Carrefour et CSF considérant cependant ne pas avoir été suffisamment indemnisées, ont assigné Segurel devant le Tribunal de commerce de Paris pour complicité de violation de ladite clause.
Par un jugement du 12 janvier 2004, confirmé par la Cour d’appel de Paris le 22 novembre 2007, le Tribunal a débouté Carrefour et CSF de leurs demandes au motif que la preuve de la complicité de Segurel n’était pas rapportée. Le 26 mai 2009, la Cour de cassation a toutefois censuré l’arrêt de la Cour d’appel pour défaut de base légale.
Saisie sur renvoi, la Cour d’appel de Paris a, dans un arrêt avant dire droit du 16 novembre 2011, comme l’y autorise l’article L. 462-3 du Code de commerce, demandé à l’Autorité de la concurrence (« l’Adlc ») de se prononcer sur la licéité, au regard du droit de la concurrence, de cette clause de non réaffiliation post-contractuelle.
Dans un avis n°12-A-15 du 9 juillet 2012, l’Adlc a conclu que cette clause était constitutive d’une entente anticoncurrentielle. En effet, après avoir rappelé que les clauses de non réaffiliation postcontractuelles n’étaient pas interdites par principe mais devaient être justifiées par l’existence d’un savoir-faire secret, substantiel et identifié transmis au franchisé, l’Adlc a constaté en l’espèce l’absence d’un savoir-faire transmis par Carrefour à son franchisé qui répondrait à ces exigences. Elle a également noté que la durée de cette interdiction était, en tout état de cause, disproportionnée au regard du but de protection poursuivi.
Se fondant sur l’avis de l’Adlc, la Cour d’appel de Paris a finalement, dans un arrêt du 6 mars 2013, rejeté les prétentions de Carrefour et CSF. La Cour a en effet considéré que le savoir-faire transmis par Carrefour était « de faible technicité, spécificité et originalité ». Elle a également noté que la clause litigieuse ne trouvait à s’appliquer que lorsque le contrat prenait fin par anticipation en raison des fautes du franchisé et était donc conçue comme « une mesure préventive, visant à décourager les franchisés de quitter prématurément le réseau ». Pour la Cour, « cette utilisation d’une obligation de non réaffiliation à titre de pénalité ou de mesure préventive, est étrangère à la protection des intérêts concurrentiels du franchiseur ». La Cour a donc conclu à l’illicéité de cette clause au regard du droit de la concurrence.