Radioblogclub.fr, site internet lancé en 2003 a connu un grand succès dans les années 2006-2007 avec plus de 20 millions de visiteurs par mois. Ce site permettait aux internautes d’écouter gratuitement de la musique en streaming. Son fonctionnement s’articulait en deux temps. Les internautes pouvaient tout d’abord, créer une playlist et installer un logiciel permettant de lire les fichiers stockés sur les blogs, pages ou sites personnels. Le site mettait également à la disposition des internautes une base de données permettant de rechercher un titre et de l’écouter en streaming via des liens hypertextes. Ces playlists crées par les internautes étaient automatiquement référencées sur le site Radioblog à compter de leur création et accessibles aux autres utilisateurs du service.
Aucune autorisation des titulaires de droit n’avait été requise préalablement à la mise en ligne des titres référencés.
En 2007, une procédure est donc engagée par les sociétés de gestion collective des producteurs : la SCPP et la SPPF.
En première instance, le Tribunal correctionnel de Paris dans un jugement du 3 septembre 2009 [Voir article Netcom Septembre 2009] a condamné les responsables du site à payer plus d’un million d’euros de dommages et intérêts et à des peines de prison assortis de sursis, pour avoir permis la mise à disposition d’œuvres musicales protégées. La condamnation financière a été confirmée par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 22 mars 2011 mais les peines d’emprisonnement ont été allégées.
Les responsables du site internet ont formé un pourvoi que la Cour de cassation a rejeté dans un arrêt du 25 septembre 2012.
Cet arrêt rendu par la Cour de cassation est intéressant sur trois points.
Tout d’abord, c’est la première décision de la cour portant sur l’application de l’article L.335-2-1 du code de la propriété intellectuelle qui sanctionne pénalement le fait d’éditer et/ou de mettre à la disposition du public un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d’œuvres protégées sciemment et sous quelque forme que ce soit.
Cette décision confirme que l’application dudit article n’est pas limitée aux seuls logiciels peer to peer permettant de procéder à des téléchargements illicites de phonogrammes et que c’est la finalité des logiciels, soit la mise à disposition non autorisée au public des phonogrammes protégées qui est réprimée.
D’autre part, cette décision applique une jurisprudence constante sur le statut d’hébergeur. En effet, la Cour de cassation confirme que « Radioblog en sa qualité d’hébergeur ne peut bénéficier de l’exonération de responsabilité prévue à l’article 6-I-2 de la LCEN, dès l’instant où ayant eu connaissance de contenus protégés illicites, il n’a pas agi promptement pour les retirer. »
Enfin, l’arrêt de la Cour de cassation confirme la condamnation des dirigeants de Radioblog à payer aux producteurs de phonogrammes à titre d’indemnités l’intégralité des recettes publicitaires générées par l’activité illicite du site, qui avaient été saisies sur les comptes bancaires.
Elle relève que leur confiscation était justifiée dès lors que ces sommes proviennent du produit des infractions dont Radioblog a été déclarée pénalement responsable.
Ces dommages et intérêts chiffrés à plus d’un million d’euros peuvent paraître considérables mais ils doivent être relativisés au vu de l’importance de l’audience du site. Les dommages et intérêts s’ils sont équivalents aux revenus publicitaires cumulés de deux années, correspondent surtout à la visite de centaines de millions d’internautes.
Cette décision du 25 septembre 2012 s’inscrit donc dans la volonté de rappeler que la loi DADVSI du 1er août 2006 et les dispositions du code de la propriété intellectuelle ont vocation à protéger les œuvres également dans la société de l’information et à sanctionner les cas de mise à disposition non autorisée, sans se limiter aux considérations techniques.
Solenne GAUDRY