Exonération des cadeaux et bons d’achat : le juge n’est pas tenu par la tolérance ministérielle.
Selon une lettre ministérielle du 12 décembre 1988, les bons d’achat et cadeaux octroyés par un comité d’entreprise (ou directement par un employeur lorsque l’entreprise ne dispose pas d’un comité d’entreprise) font l’objet d’une présomption de non-assujettissement aux charges sociales.
Le ministère fixe toutefois une limite : le montant global attribué à un même salarié, sur l’année civile, ne doit pas dépasser 5% du plafond mensuel de la sécurité sociale.
Surtout, la lettre ministérielle ne subordonne pas l’exonération de charges sociales à la justification que les bons d’achat et cadeaux aient été remis à l’occasion d’évènements (Noël, anniversaire, etc..) et que le montant soit proportionné au temps de présence du salarié dans l’année considérée.
Mais, la position de certaines URSSAF et des juges du fond divergent face aux conséquences juridiques qu’il convient de tirer de la tolérance ministérielle. Certaines URSSAF acceptent de prendre en compte la tolérance ministérielle, d’autres au contraire refusent.
Dans l’espèce qui a fait l’objet de l’arrêt rendu le 30 mars 2017, l’URSSAF d’Alsace avait notifié à une association un redressement portant sur la réintégration dans l’assiette des cotisations sociales et patronales de bons d’achat et cadeaux distribués à Noel.
Pour l’URSSAF d’Alsace, ces avantages avaient été donnés sans tenir compte du temps de présence des salariés ou bien certains salariés avaient cumulé plusieurs cadeaux et bons d’achat dans l’année. L’URSSAF considérait que ces avantages constituaient en réalité des primes de présence qui devaient être intégralement soumises à charges sociales.
De son côté, l’association opposait à l’URSSAF la tolérance ministérielle du 12 décembre 1988. L’association considérait que les bons d’achat et cadeaux n’ayant pas dépassé la règle des 5% du plafond mensuel de la sécurité sociale, l’exonération de charges sociales était acquise.
Les juges du fond vont faire droit aux arguments de l’association et annuler le redressement URSSAF. La Cour d’appel de Colmar va, notamment, considérer que l’association n’avait fait qu’appliquer une « tolérance admise de longue date ». La Cour d’appel en concluait que le seuil des 5% n’ayant pas été dépassé, l’association avait valablement exclu les bons d’achat et cadeaux du paiement des charges sociales afférentes.
L’URSSAF d’Alsace forme un pourvoi contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Colmar.
La Cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel estimant qu’elle ne pouvait trancher le litige sur le fondement d’une circulaire et d’une lettre ministérielle dépourvue de toute portée normative.
Pour la Cour de cassation, la question de l’assujettissement ou de l’exonération ne peut être tranchée que par application des dispositions législatives et règlementaires et, en particulier, l’article L 242 alinéa 1 du Code de la sécurité sociale qui énonce que les avantages versés à l’occasion du travail sont assujettis à charges sociales.
Pour la haute Cour, la « tolérance » administrative n’a aucune valeur juridique.
Si cette solution est conforme en droit, elle est source d’insécurité juridique. En effet, selon l’URSSAF concernée, l’entreprise fera ou pas l’objet d’un redressement. Il serait donc souhaitable que l’autorité ministérielle prenne une circulaire tranchant définitivement cette question, laquelle sera opposable aux URSSAF.
Khalil MIHOUBI