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Cour de cassation, 1ère Ch. Civ., 21 avril 2022, n°21-12.596

Par un arrêt inédit du 21 avril 2022, la Cour de cassation est revenue sur la caractérisation du parrainage illicite en faveur des boissons alcooliques dans le cadre d’une manifestation culturelle.

L’évènement Rock en Seine, organisé par l’association Plus de sons, s’est tenu du 22 au 24 août 2014 sur le site du Domaine national de Saint Cloud. Pour cette édition, le festival avait pour partenaire la société Kronenbourg, qui était également le fournisseur exclusif de bière de la manifestation. Dans ce contexte, le festival possédait une scène intitulée « Pression Live » sur laquelle des artistes se produisaient.

L’association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie (ANPAA) a assigné la société Kronenbourg et l’association organisatrice afin de faire ordonner le retrait, sur le site internet du festival, de toute référence à la société et à sa marque déposée « Pression Live ».

L’ANPAA soutenait que la société Kronenbourg s’était livrée à des actes de publicité illicites en faveur de sa marque de bière sur le site du festival ainsi qu’au sein du quotidien « 20 minutes ». Pour l’ANPAA, le brasseur s’était également livré à des actes de parrainage illicite par le biais de la scène dénommée « Pression Live ». L’association requérante demandait l’indemnisation des préjudices résultant de ces différents actes.

La société Kronenbourg a été condamnée en appel à payer à l’ANPAA la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du dommage consécutif aux actes de publicité illicite retenus à son encontre à l’occasion du festival, notamment l’association de la marque à l’univers festif des concerts de rock, par la reproduction de ses éléments figuratifs et dénominatifs sur le panneau annonçant les concerts du jour. En revanche, les juges du fond ont rejeté les demandes de l’association requérante au titre des actes de parrainage illicite, c’est ici l’objet de l’arrêt de cassation.

Pour rappel, conformément à l’article L. 3323-2 du Code de la santé publique, une opération de parrainage est considérée comme illicite « lorsqu’elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques ».

Selon les juges du fond, si le parrainage de Rock en Seine par la société Kronenbourg était avéré, il appartenait à l’ANPAA, qui supportait la charge de la preuve en application de l’article 9 du Code de procédure civile, d’établir que ce parrainage avait bien eu pour effet ou pour objet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques.

Ainsi, l’ANPAA devait démontrer une contrepartie, au bénéfice de la société Kronenbourg, pour le parrainage du festival Rock en Seine.

Selon la Cour d’appel, ni la présence du logo institutionnel de la société Kronenbourg sur le programme et le plan distribués aux festivaliers, ni la mention de la société Brasseries Kronenbourg ou de Pression Live dans des onglets figurant sur le site du festival, n’étaient constitutifs d’une telle publicité en faveur des boissons alcooliques.

Saisi du pourvoi de l’ANPAA reprochant à l’arrêt d’appel d’avoir rejeté ses demandes sur les actes de parrainage, la Haute juridiction a confirmé le raisonnement des juges du fond.

Selon la Cour de cassation, c’est à bon droit qu’après avoir constaté l’existence d’une opération de parrainage du festival par la société Kronenbourg, la Cour d’appel a énoncé, sans inverser la charge de la preuve, que ce parrainage ne pouvait être considéré comme illicite qu’à la condition que l’ANPAA établisse qu’il avait pour effet ou pour objet la propagande ou la publicité en faveur des boissons alcooliques.

Pour la Cour de cassation, la Cour d’appel a estimé à juste titre que la présence du logo institutionnel de la société ou de sa dénomination sur le programme et le plan du festival, sur un bandeau de couverture ainsi que sous la description de l’animation « Street Art – creation live » ne pouvaient pas constituer une publicité en faveur des produits alcooliques. L’ANPAA n’alléguait pas non plus l’existence d’un financement du matériel publicitaire de la scène Pression Live par la société. De plus si, en quatrième de couverture du même programme, figurait une publicité en faveur d’une boisson alcoolique de cette même société et si cette dernière avait bénéficié d’une publicité indirecte par ses enseignes Kronenbourg et Pression Live, l’ANPAA n’établissait pas que cet encart et cette publicité seraient la contrepartie du parrainage.

Ainsi, si les opérations de parrainage concernant des boissons alcooliques peuvent être illicites, il appartient au demandeur agissant sur ce fondement de démontrer que ces opérations ont pour effet la propagande ou la publicité directe ou indirecte de celles-ci, cette condition ne se présumant pas du seul fait de la mention du nom des sociétés sur le matériel promotionnel de l’évènement.

Axelle BINET et Emilie CUER

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