La titularité des droits d’auteur sur les œuvres publicitaires fait régulièrement l’objet de contentieux, en particulier lors de la terminaison des relations agence/annonceur. A l’occasion de l’un de ces litiges, le Tribunal de grande instance de Paris a reconnu la qualité d’œuvre collective au film publicitaire réalisé par l’agence.
Assigné devant le Tribunal de grande instance de Paris pour contrefaçon, l’annonceur invoquait en défense l’irrecevabilité de l’agence à agir en contrefaçon des œuvres de la campagne pour plusieurs motifs. Le premier tenait à l’absence de définition des œuvres visées et à l’absence de justification de leur originalité en faisant valoir que ce n’était qu’une idée. Le second motif portait sur la qualification de l’œuvre publicitaire, l’annonceur faisant valoir que le film publicitaire en cause était une œuvre de collaboration et que l’agence ne pouvait dès lors agir sans mettre en cause les co-auteurs.
Le Tribunal a fait droit aux arguments présentés par l’agence qui soutenait que le film publicitaire était une œuvre collective qui l’investit des droits d’auteur. Le Tribunal rappelle que pour qualifier une œuvre de collective, il est nécessaire, d’une part, qu’elle soit créée et organisée sous l’autorité d’un maître d’œuvre et, d’autre part, que l’apport des participants ne puisse être individualisé.
Au vu des éléments produits à l’instance, les juges relèvent que selon l’intention des parties, l’agence a pris en charge l’ensemble des intervenants (salariés, réalisateur, société de production audiovisuelle, société de production musicale, éditeur musical, compositeur, photographe), qu’elle a dirigés pour arriver à la réalisation du film, se comportant comme un maître d’œuvre. Selon le Tribunal, « le film a été créé et réalisé à l’initiative et sous le contrôle de l’agence qui l’a divulgué sous son nom, les contributions personnelles des différents intervenants se fondant dans l’ensemble de cette œuvre ».
L’agence est donc seule investie des droits d’auteur et est recevable à agir pour la violation de ses droits sur le film publicitaire.
La recevabilité de l’agence à agir seule, sans mettre en cause le photographe est également retenue s’agissant des deux photographies utilisées dans le cadre de la campagne, en vertu d’un contrat de cession de droit d’auteur portant sur une œuvre de commande de prises de vue conclu avec le photographe.
Sur le fond, la contrefaçon est retenue en raison de la poursuite de l’exploitation de la campagne postérieurement à la résiliation du contrat. En effet, selon les dispositions contractuelles, en cas de résiliation du contrat, l’agence acceptait de céder ses droits d’auteurs à l’annonceur pour poursuivre l’exploitation de la campagne, en contrepartie du règlement d’une rémunération annuelle égale à 50 000 € H.T. (hors droits des tiers), somme que l’annonceur avait refusé de payer.
Il sera souligné qu’à titre de réparation, outre la condamnation à des dommages et intérêts de l’annonceur et l’interdiction d’exploiter sous astreinte, le Tribunal prononce une mesure de destruction de l’ensemble des supports publicitaires et promotionnels afférents à la campagne, mesure qui échappe néanmoins à l’exécution provisoire prononcée.
Cette décision qui reconnait à une œuvre audiovisuelle la nature d’œuvre collective semble très isolée, même s’agissant d’une création publicitaire.
Florence DAUVERGNE