Fin de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique
La loi n°2016-1771, relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, a été publiée au Journal Officiel du 21 décembre 2016 ; le contexte d’adoption de la loi permet d’en comprendre le contenu et les conséquences.
Le contexte d’adoption de la loi. L’idée de supprimer la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique est apparue la première fois le 1er décembre 2010, dans une proposition de loi faite par M. Jacques Muller ; proposition de loi qui n’a pas été inscrite à l’ordre du jour et qui n’a donc jamais été débattue.
Reprenant cette initiative, M. André Gattolin a déposé une proposition de loi au Sénat, le 24 juillet 2015, en vue d’obtenir la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision du secteur publique.
Pour justifier l’intérêt qu’une telle loi entre en vigueur, M. le Sénateur André Gattolin a comparé la situation française à celle d’autres pays et s’est également appuyé sur des sondages ; ainsi, il a mis en avant la suppression, déjà en vigueur, de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision anglaise, belge ou encore espagnole.
Aussi, selon un sondage Ifop, réalisé par téléphone sur un échantillon de 1703 personnes, entre le 15 et le 19 septembre 2016, il apparait que 87% des français sont favorables aux conséquences d’une telle loi ; le même sondage effectué en septembre 2015 totalisait 71% des français.
Le contenu de la loi. Avant d’expliquer le contenu de la loi, il faut préciser que deux amendements AC1 et AC2, soutenus par Mme. Marie-Georges Buffet, ont tenté d’élargir le champ d’application de la loi à l’ensemble « des services de communication audiovisuel », de sorte que les chaînes privées auraient été concernées par la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse ; les amendements ont été rejetés : le principal argument contre une extension de la suppression aux chaînes privées étant que cela compromettrait la viabilité économique des chaînes privées, dont l’activité repose grandement sur les programmes jeunesse. Aussi, les députés se sont prononcés contre ces amendements.
La loi n°2016-1771, qui a été publiée au Journal Officiel du 21 décembre 2016, comporte deux articles, venant modifier les articles 14 et 53 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
L’article premier de la loi contient deux dispositions intéressantes : d’une part, un rôle de contrôle et de recommandation est confié au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), matérialisé par un rapport qu’il devra remettre « chaque année au Parlement » et, d’autre part, un décret en Conseil d’Etat devra réglementer « les messages publicitaires diffusés par les services de télévision dans les programmes destinées à la jeunesse ».
Selon M. André Gattolin, le CSA effectue déjà un tel travail, la nouveauté apportée par l’article tenant à l’association du CSA au Parlement et donc, à « la représentation nationale ».
En conséquence, il faudra attendre le décret en Conseil d’Etat, pour savoir quels sont les types de messages publicitaires qui pourront être diffusés durant les programmes jeunesse des chaînes autres que celles de France Télévision.
Le second article de la loi n°2016-1771, qui ne s’appliquera qu’à compter du 1er janvier 2018, contient les dispositions pratiques permettant la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique.
Ainsi, les programmes, diffusés par des services nationaux de télévision, et destinés « aux enfants de moins de douze ans », ne comporteront pas de publicités « autres que des messages génériques pour des biens ou services relatifs à la santé et au développement des enfants ou des campagnes d’intérêt général ».
Aussi, la restriction publicitaire s’applique tant durant la diffusion du programme concerné, que « pendant un délai de quinze minute avant et après cette diffusion » ; le champ d’application de la restriction s’étend également aux sites internet des services nationaux de télévision.
Il convient de préciser que seule la société France Télévisions est concernée par cette loi ; en effet, l’article 2 de la loi 2016-1771 précise qu’il s’agit des programmes des « services nationaux de télévision mentionnés au I de l’article 44 » de la loi du 30 septembre 1986, article qui ne fait référence qu’à « la société nationale de programmes France Télévisions ».
Conséquences de la loi. La loi aura principalement deux conséquences : un report des messages publicitaires, autrefois diffusés lors des programmes jeunesse, sur d’autres tranches horaires, ainsi qu’une baisse des recettes de France Télévisions estimée à 20 millions d’euros, entre 2017 et 2018, selon le plan « contrat d’objectifs et de moyens 2016-2020 de l’entreprise ».
Yannis BOUZIDI