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Les exemples de « licenciement de fait » sont rares. La chambre sociale de la Cour de cassation fournit une illustration intéressante de ce qu’on appelle également un licenciement oral ou verbal (Cass. soc., 22 mars 2023, 21-21104).

Au sein d’une chaine de télévision, une salariée était présentatrice d’une émission quotidienne. Dans le courant de l’année 2016 les relations des parties se sont tendues.

L’employeur prétendait que la salariée avait annoncé verbalement, le 31 mai 2016, qu’elle quitterait l’entreprise. Dans un communiqué du 2 juin 2016, la salariée avait ensuite confirmé son souhait de quitter l’émission avant de nier toute démission de sa part. L’employeur, de son côté, publia un communiqué de presse le 27 juin 2016 faisant apparaître que la salariée ne figurait plus dans la grille de programmes et n’assurait plus la présentation de l’émission quotidienne, sans lui proposer un poste équivalent. L’entreprise licencia finalement la salariée pour faute grave le 18 juillet 2016 (lui reprochant a priori d’avoir manifesté son opposition aux décisions de l’entreprise et d’avoir critiqué ouvertement la société de production chargée de la ligne éditoriale de l’émission qu’elle présentait).

La salariée a saisi les juridictions prud’homales arguant de ce que le licenciement du 18 juillet 2016 était nécessairement sans cause réelle et sérieuse dès lors qu’elle avait fait l’objet d’un « licenciement de fait » dès le 27 juin précédent.

Pour mémoire, il convient de distinguer (i) la décision de licenciement prise avant l’envoi de la lettre de rupture et (ii) le licenciement de fait, par lequel l’employeur manifeste sa décision de rompre le contrat de travail sans concomitamment la formaliser par l’envoi d’une lettre de licenciement. Dans le premier cas, il s’agit « uniquement » d’une irrégularité de procédure qui n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 11 juil. 2007, 06-40225), le salarié pouvant alors prétendre à une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire (art. L1235-2 in fine c. trav.). Dans le second cas, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 10 janv. 2017, 15-13007).

La distinction est parfois complexe à cerner. Il a par exemple été jugé qu’une note interne diffusée à d’autres salariés de l’entreprise et faisant mention de la décision de licencier un autre salarié ne démontrait qu’une décision prise avant la tenue de l’entretien préalable constitutive d’une simple irrégularité de procédure (Cass. soc., 29 oct. 2003, 01-44354).

Dans l’arrêt commenté, il ne s’agissait pas d’une note interne mais d’un communiqué de presse. La Cour de cassation a jugé que la cour d’appel avait souverainement apprécié qu’il ressortait du communiqué du 27 juin 2016 qu’à la rentrée de septembre la salariée ne figurait plus dans la grille des programmes et qu’elle avait été remplacée comme présentatrice de son émission, ce qui constituait, d’après les juges du fond « la manifestation d’une volonté claire et non équivoque de mettre fin au contrat de travail ». La Cour de cassation a donc rejeté le pourvoi de l’employeur considérant que « la salariée avait fait à cette date l’objet d’un licenciement de fait qui, ne pouvant être régularisé par l’envoi postérieur d’une lettre de rupture, était nécessairement sans cause réelle et sérieuse ».

La frontière entre licenciement de fait et simple décision prise avant l’envoi de la lettre de licenciement demeure incertaine. Il n’en demeure pas moins que l’employeur doit éviter d’annoncer le départ d’un collaborateur avant d’avoir effectivement envoyé la lettre de licenciement, sauf à risquer une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement sans cause réelle et sérieuse (voire nul).

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