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Pour rappel, le 20 janvier 2021, la Commission européenne constatait que la société Valve Corporation, exploitant la plateforme de jeux-vidéos Steam (« Steam »), avait participé entre 2010 et 2015 à cinq infractions uniques et continues distinctes, en concluant avec cinq éditeurs de jeux-vidéos des accords ou des pratiques concertées bilatérales ayant pour objet de restreindre la concurrence.

La Commission reprochait à Steam d’avoir fourni des clés d’activation des jeux-vidéos géobloquées aux fins d’empêcher les ventes passives transfrontalières des jeux-vidéos au sein de l’EEE.

Steam avait ainsi écopé d’une amende totale d’un montant d’environ 1,6 millions d’euros. 

  • Cette affaire est l’occasion pour le Tribunal de l’UE de revenir sur les conditions dans lesquelles le comportement passif d’une entreprise est susceptible de constituer un accord de volontés :

Par son arrêt du 27 septembre 2023, le Tribunal de l’UE confirme qu’il résulte de la jurisprudence que les comportements passifs peuvent relever de l’article 101§1 du TFUE, notamment lorsqu’une partie approuve tacitement une pratique ou une politique unilatérale illicite, parce qu’elle (i) ne s’en distancie pas publiquement ou (ii) coopère ou fournit une assistance dans la mise en œuvre de cette politique.

En l’occurrence, les éléments de preuve présentés par la Commission ont permis de constituer un « faisceau d’indices sérieux, précis et concordants permettant d’établir [à suffisance de droit] un concours de volontés […] de restreindre les ventes passives ».

Concrètement, Steam « avait [elle-même] choisi de mettre à la disposition des éditeurs la fonction de contrôle géographique, avait informé les éditeurs de cette possibilité[1], s’était conformée aux demandes des éditeurs de géobloquer les jeux vidéo en cause, ne pouvait ignorer que les clés Steam géobloquées étaient utilisées aux fins de restreindre les ventes passives et ne s’était pas distanciée de cette pratique ».

  • Le Tribunal confirme, dans un second temps que, les accords visant à empêcher ou à limiter les importations parallèles ont, en principe, pour objet de restreindre la concurrence.

La circonstance que la jurisprudence relative aux restrictions des importations parallèles ait été développée dans le cadre de relations entre distributeurs et fournisseurs ne remet pas en cause la pertinence de cette jurisprudence pour constater que le comportement en cause était restrictif par objet.

N’est pas non plus pertinente l’allégation (non-étayée) d’effets pro-concurrentiels des accords litigieux ; alors que selon Steam, en l’absence de géoblocage, les prix se seraient alignés vers le haut.

  • Il est à noter que le règlement (UE) 2018/302 du 28 février 2018, visant à contrer le blocage géographique, n’était pas en vigueur au moment des faits pertinents, de sorte qu’il n’intervient qu’à la marge dans le raisonnement adopté. Pour rappel, en application de ce règlement, les blocages géographiques injustifiés sont également passibles d’une amende administrative de 75 000 euros pour les personnes morales.

Steam a ainsi simplement avancé que la Commission aurait, dû, prendre en compte dans son analyse le fait que les « services en ligne liés aux œuvres non audiovisuelles protégées par le droit d’auteur » (tels que les jeux-vidéos) sont exclus du champ d’application de l’article 4 du règlement, i.e. de l’obligation de permettre aux clients étrangers d’accéder aux mêmes offres que les clients locaux. L’argument est rejeté en tout état de cause au motif qu’une clause de réexamen prévoit justement la possibilité d’étendre le champ d’application à ces services.


[1] Faisant ainsi la promotion auprès des éditeurs de cette fonction de géoblocage comme le moyen d’empêcher les importations parallèles.

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