Google Adwords : Absence de contrefaçon de la marque sans atteinte à la fonction d’indication d’origine.
Le système de Google Adwords, par lequel une société peut acheter divers mots-clés afin d’apparaître en évidence sur le moteur de recherche Google, a déjà fait l’objet d’un important contentieux devant les juridictions européennes. La question étant de savoir si l’achat d’un mot clé d’une marque verbale concurrente peut constituer un acte de contrefaçon ou à tout le moins un acte de concurrence déloyale ou parasitaire.
Le Tribunal de grande instance de Paris a eu l’occasion de rendre une nouvelle décision sur la question, à propos de la marque Interflora, déjà au cœur de l’arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne le 22 septembre 2011. Une occasion supplémentaire de voir comment les tribunaux français mettent aujourd’hui en œuvre les principes consacrés dans les arrêts Google du 23 mars 2010 et Interflora du 22 septembre 2011.
En l’espèce, la société Interflora avait fait assigner un concurrent en contrefaçon de marque, concurrence déloyale et concurrence parasitaire. La société Interflora demandait notamment au Tribunal de reconnaître le caractère notoire de ses diverses marques Interflora, et de faire interdire l’utilisation desdites marques à quelque titre que ce soit, et notamment de mot clé par ce concurrent.
Le Tribunal estime d’abord que la renommée de la marque n’est pas suffisamment établie par la société Interflora. Il rappelle à cette occasion une jurisprudence constante selon laquelle la présentation de décisions judiciaires antérieures reconnaissant la renommée de la marque ne dispense pas son titulaire de l’obligation de démontrer qu’il a maintenu ses efforts de promotion et de justifier du caractère actuel de la renommée.
Sur l’utilisation du mot-clé « Interflora » pour renvoyer au site du concurrent, le Tribunal relève que la société a « scrupuleusement respecté les enseignements des arrêts de la CJUE ».
Ainsi, conformément à ce qu’avait précisé l’arrêt Interflora du 22 septembre 2011, l’utilisation d’une marque, même notoire, à titre de mot clé est a priori licite, en effet : « la marque n’a pas pour objet de protéger son titulaire contre des pratiques inhérentes au jeu de la concurrence ». Le titulaire d’une marque n’est donc pas habilité à interdire des publicités affichées par des concurrents à partir de mots clés correspondant à cette marque sauf à ce que ces publicités puissent provoquer un risque de confusion et porter atteinte à sa fonction d’indication d’origine.
C’est en outre ce que précisait l’arrêt Google du 23 mars 2010 en ces termes, également repris dans la décision du TGI : « Eu égard à la fonction essentielle de la marque qui, dans le domaine du commerce électronique, consiste notamment à permettre aux internautes parcourant les annonces affichées en réponse à une recherche au sujet d’une marque précise, de distinguer les produits ou les services du titulaire de cette marque de ceux qui ont une autre provenance, ledit titulaire doit être habilité à interdire l’affichage d’annonces de tiers que les internautes risquent de percevoir erronément comme émanant de lui. »
En l’espèce, s’il est admis que le concurrent a utilisé la marque « Interflora » en tant que mot clé, le Tribunal estime qu’aucune démonstration n’est faite de ce que le message publicitaire apparaissant sur la page Google conduise l’internaute à confondre l’origine du service qui lui est proposé. En l’espèce, la marque du concurrent était bien indiquée dans l’annonce, renvoyant directement à son site, sans aucune mention de la marque Interflora.
En conséquence, retient le Tribunal : « Aucune confusion ne peut intervenir dans l’esprit du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif qui identifie clairement les services proposés par les sociétés concurrentes (…) ». Le Tribunal de grande instance de Paris adopte ici un raisonnement résolument conforme à la jurisprudence européenne.
Arnaud OKRAJ
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