La Cour d’appel de Paris a récemment rendu un arrêt sur un sujet qui avait jusqu’à présent donné lieu à peu de contentieux.
Parmi ces exonérations, l’article 885.I al. 3 du CGI (code général des impôts) dispose que « les droits de la propriété littéraire et artistique ne sont pas compris dans la base d’imposition à l’impôt de solidarité sur la fortune de leur auteur ».
On sait que les droits en question comportent des attributs d’ordre moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. Au décès de l’auteur, le droit s’exerce au profit de ses ayants droit pendant l’année civile en cours au moment du décès et les soixante-dix années qui suivent (Code de la propriété intellectuelle art. L 123-1). Les droits en question entrent d’ailleurs dans le patrimoine du défunt pour les besoins des droits de succession.
Comme en dispose l’article 885.I précité, en matière d’ISF, l’exonération est limitée aux droits de propriété littéraire et artistique détenus par leur auteur. L’administration rappelle qu’en conséquence « les titulaires de ces droits autres que l’auteur lui-même (héritiers, donataires ou acquéreurs) doivent en revanche inclure dans l’assiette de l’ISF la valeur de capitalisation des droits de propriété littéraire et artistique qu’ils détiennent » (BOI-PAT-ISF-30-40-20 n° 240, 8-1-2015).
Pourtant dans l’espèce soumise à la Cour d’appel de Paris, une héritière, fille d’un célèbre auteur d’ouvrages pour la jeunesse, soutenait que les droits en question constituaient un actif professionnel compte tenu de l’activité personnelle constante et active qu’impliquait pour elle le fait d’exploiter ces droits. Or, les biens professionnels constituent une autre catégorie d’actif exonéré en vertu de l’article 885N du CGI qui dispose que « les biens nécessaires à l’exercice, à titre principal, tant par leur propriétaire que par le conjoint de celui-ci, d’une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale sont considérés comme des biens professionnels ».
Pourtant, la Cour de cassation a déjà jugé, particulièrement en matière immobilière, que les activités civiles (autre que libérales ou assimilées à des activités commerciales) de gestion d’un patrimoine privé ne peuvent être couvertes par cette exonération, quelle que soit l’importance des diligences menées par leur propriétaire. La Cour d’appel de Paris se rallie ici à cette position, annulant le jugement qu’avait rendu en faveur de l’héritière le Tribunal de grande instance de Paris.
Accessoirement, il est intéressant de relever la méthode de valorisation des droits qui a été validée dans cette affaire. La valeur vénale du monopole d’exploitation en litige a été déterminée en fonction de la valeur moyenne des revenus bruts reçus lors des trois années précédentes, en affectant cette moyenne d’un coefficient multiplicateur de 4, et en tenant compte d’un abattement pour frais de 15% (l’héritière faisait valoir un coefficient de 2,5, non retenu par la Cour, eu égard sans doute au succès de l’auteur).
La solution aurait-elle été la même si l’héritière avait été résidente hors de France ? Tel devrait a priori être le cas. En effet, les non-résidents sont par principe imposés à l’ISF sur la base de leurs seuls biens français, mais ces derniers incluent ceux de nature incorporelle, sauf à pouvoir invoquer l’une des conventions fiscales bilatérales peu nombreuses en matière d’ISF répartissant entre les Etats le droit d’imposer la fortune de leurs résidentes respectifs. En présence d’une telle convention, les résidents d’un Etat peuvent alors être soumis à l’ISF dans l’autre Etat uniquement à raison des droits immobiliers et de certains titres de participation qui y sont situés. Toutefois, il n’existe pas de définition certaine de la qualité française des droits incorporels. Un arrêt de référence existe en matière de droits d’enregistrement sur les cessions de marques, qu’il n’est pas évident de transposer ici à la valeur des droits d’auteur : « pour apprécier si la cession de la clientèle attachée à des marques par actes passés à l’étranger est soumise aux droits proportionnels d’enregistrement, le juge doit rechercher dans quels pays les marques sont immatriculées afin de déterminer si elles sont ou non soumises au droit d’un Etat autre que la France » (Cass. com. 24-3-1992 n° 565 P).
Quoi qu’il en soit, le contentieux tranché par la Cour d’appel de Paris pourrait bientôt n’avoir plus qu’une valeur historique, dans le contexte de la réforme d’un ISF qu’il est prévu de recentrer sur la fortune immobilière dès 2018.
Sylvie CANONGE