Depuis 1er janvier 2018, l’impôt sur la fortune est remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). La définition des redevables, le fait générateur (patrimoine au 1er janvier), le seuil de taxation (1 300 000 €), le barème (taux d’imposition progressif et taux marginal supérieur de 1,5%) et le dispositif de plafonnement en fonction des revenus restent inchangés par rapport à l’ISF.
Cette note présente les contours de ce nouvel impôt posés par la dernière loi de finances.
1 Champ d’application et exonérations
L’IFI se concentre, comme son nom l’indique, sur les biens et droits immobiliers qu’ils soient détenus directement par le redevable ou par l’intermédiaire d’une société (soumise ou non à l’impôt sur les sociétés). Ainsi, tous les titres de société, à hauteur de leur valeur représentative de biens immobiliers, sont susceptibles d’être taxés et pas seulement les titres de sociétés à prépondérance immobilière.
Le législateur a néanmoins prévu que certains actifs restent hors du champ de l’impôt :
1) Participations, directes ou indirectes, inférieures à 10% du capital des sociétés ayant une activité opérationnelle i.e. industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale détenant des biens immobiliers. Le seuil de 10% s’apprécie en tenant compte des titres du redevables et des membres de son foyer fiscal.
La location de locaux d’habitation meublée n’est pas une activité éligible à cette exonération. D’une façon plus générale, les sociétés ayant pour objet de gérer leur propre patrimoine restent incluses dans le champ de l’impôt, quel que soit le niveau de participation.
2) Biens immobiliers affectés à l’activité opérationnelle de la société qui les détient et dont le redevable est actionnaire (direct ou indirect), que les biens appartiennent à ladite société ou à l’une de ses filiales ou sous filiales opérationnelles.
3) Biens immobiliers détenus (directement ou non) par une société opérationnelle dont le redevable est actionnaire (direct ou indirect), si ces biens sont affectés à l’activité opérationnelle :
– de la société dont le redevable détient directement ou non les titres,
– de la société propriétaire de l’immeuble,
– ou d’une société dans laquelle la société dont le redevable de l’IFI possède les titres détient (directement ou non) la majorité des droits de vote ou exerce en fait le pouvoir de décision.
Exemple : Un contribuable détient les titres d’une société commerciale A qui détient elle-même des titres dans deux sociétés B et C qu’elle contrôle ainsi que dans la société D, non contrôlée. Les biens immobiliers inscrits à l’actif de C et utilisés par A, B ou C pour leur propre activité opérationnelle sont hors du champ de l’impôt ainsi que ceux détenus par D et utilisés par A. Mais les biens détenus par A, B ou C et mis à la disposition de D sont inclus dans l’assiette de l’impôt.
Les immeubles détenus par des sociétés holdings pures/non animatrices ne sont pas couverts par les deux points précédents même quand leurs immeubles sont donnés en location à des filiales opérationnelles.
4) Biens immobiliers affectés à son activité professionnelle par le redevable : ils continuent d’être exonérés sous des conditions similaires à celles qui étaient prévues pour l’ISF en matière d’exonération de biens professionnels. Ainsi, pour les dirigeants des sociétés soumises à l’IS :
– l’activité de la société doit être de nature industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale
– le redevable doit exercer à titre principal dans la société une fonction de direction en tant que mandataire social. Ces fonctions doivent être effectives et donner lieu à une rémunération normale, et représentant plus de la moitié de ses revenus professionnels ;
– une participation minimale de 25 % des droits de vote est en principe exigée des gérants minoritaires de SARL et des actionnaires dirigeants de SA ou de SAS, sauf lorsque la valeur brute de leur participation excède 50 % de la valeur brute du patrimoine global.
Ce cas d’exonération permettra d’exonérer certains biens immobiliers non couverts par les cas précédents, notamment pour les immeubles détenus en direct par le redevable de l’IFI, pour les immeubles détenus via une SCI et loués à une société opérationnelle dans laquelle le redevable exerce son activité, ou encore en matière de location meublée remplissant les conditions du caractère professionnel. L’exonération de la valeur des biens immobiliers est alors limitée au prorata de la participation du redevable dans la société opérationnelle.
Les immeubles détenus par le redevable et affectés à l’activité opérationnelle d’une filiale de la société dans laquelle il exerce son activité restent imposables.
- Clause de sauvegarde
Pour tenir compte des difficultés de mise en œuvre de l’imposition des immeubles détenus via une société, la loi préserve d’un redressement les redevables de bonne foi pouvant démontrer qu’ils n’étaient pas en mesure de disposer des informations nécessaires pour estimer la fraction de valeur de leurs titres représentative de biens immobiliers. La clause vise les participations (directes ou non) inférieures à 10% de la société détenant directement les immeubles. L’on attend avec grand intérêt :
– les obligations qui seront mises par décret à la charge des sociétés pour permettre à leurs associés et actionnaires de déclarer correctement les bases passibles de l’IFI (article 982.II du CGI)
– les commentaires de l’administration sur les justifications exigées en pratique des intéressés.
- Autres précisions
– Les contrats rachetables d’assurance vie et de capitalisation en unités de compte sont imposables à hauteur de la valeur de leurs actifs immobiliers (ex : SCPI ou OPCI).
– Les participations inférieures à 10% dans un fonds d’investissement ou OPC bénéficient de l’exonération indiquée au 1) sous réserve cependant que l’organisme détienne moins de 20% de son actif en biens et droits immobiliers.
– Une exonération spécifique est prévue pour les participations inférieures à 5% dans les SIIC.
– Les bois et forêts et parts de groupements forestiers continuent de bénéficier d’une exonération.
– Les exonérations partielles des titres faisant l’objet d’un pacte Dutreil et des titres détenus par les salariés et les mandataires sociaux sont supprimées.
2 Règles d’évaluation
2.1 Base de l’IFI
La règle reste la valeur vénale des immeubles au 1er janvier, sous réserve de l’abattement de 30% en faveur de la résidence principale-tel qu’il existait déjà pour l’ISF.
2.2 Evaluation des titres
Pour les titres de sociétés, il convient de déterminer leur valeur vénale puis de leur appliquer le coefficient correspondant au ratio immobilier de la société, sous réserve de certains passifs non déductibles (cf clause anti-abus ci-après). Ce ratio immobilier est le suivant : valeur vénale de l’immobilier imposable détenu directement ou indirectement par la société/valeur vénale de l’actif global de la société.
Aux termes de la clause anti-abus de article 973-II du CGI, pour valoriser la société, on devra écarter les dettes qu’elle a contractées :
– pour l’achat d’un immeuble imposable à un redevable de l’IFI ou un membre de son foyer fiscal s’il contrôle la société (seul ou avec son foyer fiscal) ;
– auprès d’un redevable de l’IFI ou d’un membre de son foyer fiscal, pour l’acquisition d’un immeuble imposable ou pour le financement des dépenses afférentes à l’immeuble ; l’exclusion de la dette est alors en proportion de la participation que détient cette personne dans la société (seule ou avec son foyer fiscal) ;
– auprès d’une société contrôlée par le redevable ou un membre de son groupe familial, pour l’acquisition d’un immeuble imposable ou pour le financement des dépenses afférentes à l’immeuble. L’exclusion de la dette ne joue à nouveau qu’à proportion de la participation que détient cette personne dans la société (seule ou avec son foyer fiscal).
Le groupe familial inclut outre les membres du foyer fiscal les ascendants, descendants majeurs, frères et sœurs du couple. Les comptes courants d’associés devraient en pratique être visés par la clause anti-abus.
La clause anti-abus pourra toutefois être écartée si le redevable justifie que le prêt n’a pas été contracté dans un but principalement fiscal.
Pour la valorisation des titres de la société on écarte enfin les dettes qu’elle a contractées directement ou indirectement pour l’acquisition d’un immeuble imposable ou pour le financement des dépenses afférentes à l’immeuble, auprès d’un membre du groupe familial d’un redevable, en proportion de la participation que détient la personne dans la société (seule ou avec son foyer fiscal). Mais à nouveau cette exclusion n’est pas applicable s’il est justifié du caractère normal du prêt.
2.3 Sort des dettes du redevable pour la détermination de la base nette de l’IFI
- Principe
La loi fixe la liste des dettes déductibles :
– dépenses d’acquisition des seuls biens ou droits immobiliers imposables ;
– dépenses de réparation et d’entretien, d’amélioration, de construction, de reconstruction ou d’agrandissement ;
– impositions dues à raison des propriétés immobilières (i.e. taxe foncière, IFI lui-même, mais ni la taxe d’habitation, ni l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux);
– dépenses d’acquisition des parts ou actions, au prorata de la valeur des actifs immobiliers imposables.
- Règle pour les prêts in fine contractés pour l’acquisition d’un bien immobilier imposable
– Des annuités de remboursement théoriques sont calculées en divisant le montant de l’emprunt par le nombre d’années total de l’emprunt. Seule la somme des annuités correspondant au nombre d’années restant à courir jusqu’au terme prévu est déductible.
– Pour les prêts ne prévoyant pas de terme, la dette est déductible chaque année à hauteur du montant total de l’emprunt diminué d’une somme égale à un vingtième de ce montant par année écoulée depuis le versement du prêt.
- Exclusion de certains prêts
Ne sont, en principe, pas déductibles :
– les prêts contractés directement, ou indirectement, auprès du redevable ou d’un membre de son foyer fiscal ;
– les prêts contractés directement, ou indirectement, auprès d’un membre du groupe familial du redevable (autre qu’un membre du foyer fiscal) ;
– les prêts contractés par le redevable ou un membre de son foyer fiscal auprès d’une société contrôlée (en ce inclus les droits du groupe familial du prêteur).
Dans les deux derniers cas, si le redevable justifie du caractère normal des conditions du prêt, notamment du respect des échéances, du montant et du caractère effectif des remboursements, il échappe à la clause anti-abus et peut donc normalement déduire les dettes correspondantes.
- Plafond de déduction du passif
Lorsque la valeur du patrimoine taxable est supérieure à 5 millions d’euros (avant déduction du passif) et que le montant des dettes déductibles excède 60 % de cette valeur, la fraction des dettes excédant ces 60% n’est déductible qu’à hauteur de la moitié de l’excédent.
Mais le plafond de déduction ne s’applique pas si le redevable justifie que les dettes n’ont pas été contractées dans un objectif principalement fiscal.
3 Modalités déclaratives
Quel que soit le montant du patrimoine imposable (si le seuil d’imposition de 1 300K€ est atteint), il conviendra de déclarer le montant de la valeur brute et nette taxable du patrimoine sur la déclaration de revenus n° 2042 en détaillant la composition et la valorisation des biens taxables. Ces obligations seront précisées par décret. Les obligations déclaratives des sociétés et organismes seront également précisés par décret (CGI art. 982, II).
L’IFI sera ensuite recouvré par voie de rôle.
Le cas des non-résidents ne déposant pas de déclaration de revenus en France devra malgré tout donner lieu à des dispositions particulières non encore précisées.
Le dispositif de réduction d’impôt ISF-dons est pérennisé pour l’IFI.
En revanche le dispositif ISF-PME est abrogé. Toutefois les investissements éligibles à la réduction ISF-PME réalisés entre la date limite de la déclaration de l’ISF 2017 et le 31 décembre 2017 seront imputables sur l’IFI 2018, dans les limites qui étaient prévues pour l’ISF.