« Mais attendu qu’il appartient à l’employeur, qui peut tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte, de justifier qu’il n’a pu, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail, le reclasser dans un emploi approprié à ses capacités au terme d’une recherche sérieuse, effectuée au sein de l’entreprise et des entreprises dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d’y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que l’appréciation du caractère sérieux de la recherche de reclassement relève du pouvoir souverain des juges du fond ;
Et attendu qu’ayant constaté que le salarié avait refusé des postes proposés en France en raison de leur éloignement de son domicile et n’avait pas eu la volonté d’être reclassé à l’étranger, la cour d’appel, qui a souverainement retenu que l’employeur avait procédé à une recherche sérieuse de reclassement, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; »
Le présent arrêt se situe dans la droite ligne de cette nouvelle jurisprudence édictée par la Haute Cour, laquelle a précisé à l’occasion des deux arrêts du 23 novembre 2016 que « si les affaires en cause dans les arrêts ici commentés se présentent dans le contexte d’un groupe de sociétés à dimension internationale, le principe nouveau affirmé de façon générale, a vocation à s’appliquer quelles que soient la taille de l’entreprise et son appartenance ou non à un groupe ».
En effet, rappelons qu’en matière d’inaptitude, le périmètre du reclassement est constitué des entreprises dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation permettent, en raison des relations entre elles, d’y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, y compris celles implantées à l’étranger (Cass. Soc. 9 janvier 2008, 06-44407).
Or, en l’espèce, l’employeur n’avait pas étendu ses recherches à l’international en ce que la salariée avait refusé par écrit l’ensemble des postes proposés « étant donné sa situation familiale et l’éloignement géographique des postes proposés par rapport à son domicile ».
Sur les bases de la réponse motivée de la salariée, l’employeur avait ainsi déduit qu’il n’était pas nécessaire de lui proposer des postes à l’étranger, eu égard au fait que les postes proposés en France s’avéraient d’ores et déjà être trop éloignés de son domicile.
C’est précisément sur ce point et conformément à la jurisprudence antérieure au 23 novembre 2016, que la salariée avait obtenu gain de cause devant la Cour d’appel de Pau, en ce que « l’employeur ne pouvait s’exonérer de son obligation au motif qu’il présupposerait un éventuel refus de la salariée ».
L’employeur avait alors formé un pourvoi notamment en réaffirmant que « ne manque pas à son obligation de reclassement un employeur qui n’étend pas ses recherches de reclassement à l’étranger lorsque le salarié, pour refuser toutes les propositions de reclassement qui lui ont été faites en France, a explicitement fait valoir qu’il ne voulait pas s’éloigner de son domicile pour des raisons familiales ; »
La Cour de cassation lui a donné raison le 8 février dernier, conformément à son revirement de jurisprudence effectué dans l’intervalle : « Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu’il résultait de ses constatations que la salariée, qui avait refusé des propositions de reclassement au regard de sa situation familiale et de l’éloignement géographique des postes proposés par rapport à son domicile, n’avait pas eu la volonté d’être reclassée à l’étranger ».
Demeurent cependant différentes interrogations soulevées déjà dans le cadre des arrêts du 23 novembre 2016 :
– A quel stade de la procédure d’inaptitude l’employeur peut-il prendre en compte les choix /restrictions géographiques du salarié concerné ?
– Serait-il également possible d’étendre la prise en compte de la voix du salarié à des souhaits d’emploi précis ? D’aménagement de son temps de travail ? De diriger une équipe ?
La liste des souhaits du salarié pourrait être très longue, la prudence doit donc rester de mise, et ce d’autant que pour l’heure, les décisions rendues par la Haute Cour évoquent toutes une position explicite (c’est-à-dire écrite) du salarié.
Sans doute, la Cour de cassation suivra-t-elle le même chemin s’agissant de son obligation de reclassement en matière économique ? Pour l’heure, à notre connaissance, ce point n’a pas été encore été transposé. Cependant, il ne faut pas oublier que le reclassement à l’étranger reste en matière économique soumis au souhait du salarié de se voir proposer des offres correspondantes.
Bettina SCHMIDT