Inaptitude et reclassement : pour être régulièrement consultés, les Délégués doivent être en possession de tous les éléments nécessaires
L’employeur peut consulter les Délégués du personnel sans attendre les préconisations du Médecin du travail sur les offres de reclassement. Mais seulement s’il dispose à ce stade de suffisamment d’éléments pour que les Délégués soient pleinement éclairés. A défaut…s’abstenir.
Au terme de l’article L. 1226-12 modifié par la Loi Rebsamen, l’employeur est dispensé de rechercher un reclassement suite à une inaptitude d’origine professionnelle, dès lors que le Médecin du travail déclare le salarié physiquement inapte à tout poste et qu’il indique expressément que « le maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à la santé du salarié ».
Les conditions sont certes strictes pour cette dispense totale de recherche de reclassement – inédite en la matière.
Dans notre lettre de septembre 2015, nous avions souligné que la jurisprudence devrait répondre à la question laissée ouverte du caractère toujours obligatoire ou non de la consultation préalable des Délégués du personnel avant l’engagement de la procédure de licenciement. Le point reste en suspens.
Un arrêt récent vient néanmoins éclairer le rôle des du Médecin du travail et des Délégués du personnel s’agissant de la consultation préalable avant tout reclassement d’un salarié inapte.
Retour au texte : le Code du travail dispose en effet que « l’employeur doit proposer un ou des postes de reclassement au salarié déclaré inapte, en prenant en compte l’avis des délégués du personnel » article L. 1226-10.
Il est aujourd’hui bien acquis que cette consultation doit être postérieure au second avis du Médecin et antérieure à toute proposition effective de reclassement au salarié. Une question restait ouverte cependant : la consultation des DP devait-elle se faire après que le Médecin avait donné son avis sur les offres de reclassement ou non ? La Cour de Cassation vient de répondre par la négative dans un arrêt du 16 septembre 2015 (N°14-15440).
Une lecture un peu rapide pourrait conduire à penser que l’avis du Médecin du travail n’est pas un élément indispensable à la consultation des DP. Ce n’est pourtant pas exactement ce que dit l’arrêt. Dans la solution retenue en l’espèce, la Cour a certes rappelé que la procédure de consultation « avait été régulièrement effectuée car après le constat de l’inaptitude et avant la proposition de reclassement » mais elle ajoute immédiatement « et que ces derniers avaient été en possession de tous les éléments nécessaires ».
L’arrêt est riche de ce qu’il dit, et de ce qu’il ne dit pas. La motivation ne mentionne pas expressément l’avis du Médecin du travail et cette omission est vraisemblablement volontaire : la Haute Cour aurait ajouté à la Loi en imposant une telle condition.
Mais l’arrêt pose en revanche expressément que les DP étaient en possession « de tous les éléments nécessaires pour se prononcer ».
Il faut bien noter que dans l’arrêt en question, le Médecin avait donné des restrictions et préconisations dès la seconde visite, que les offres faites respectaient à l’évidence ces recommandations et qu’enfin le dernier avis postérieurement adressé par le Médecin – même assorti de réserves, était un avis favorable.
Dans ces conditions, la solution parait parfaitement justifiée en droit et en équité. Il est permis de s’interroger sur le sens qu’aurait pris la Cour si l’avis du Médecin postérieur à la consultation s’était avéré défavorable. A fortiori si le Médecin n’avait donné aucune préconisation lors du second constat d’inaptitude.
Il nous semble que dans un tel cas, la procédure serait censurée, non à raison de la chronologie de la procédure mais au motif que les DP ne seraient manifestement pas suffisamment informés pour rendre un avis éclairé.
En conclusion, l’avis du Médecin n’est pas obligatoire en tant que tel pour la stricte régularité de la procédure mais son rôle reste, au fond, essentiel.
Virginie DELESTRE
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