Le 29 mars 2023, la Cour de cassation a rendu un arrêt (Cass. soc., 29 mars 2023, n°21-15.472, publié au bulletin) apportant de nouvelles précisions sur le régime de l’obligation de reclassement incombant à l’employeur en cas d’avis d’inaptitude du médecin du travail préconisant le recours au télétravail à titre d’aménagement de poste du salarié concerné.
Pour rappel, aux termes de l’article L1226-10 du code du travail, lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, avant de pouvoir envisager le licenciement de ce salarié, l’employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités. « Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise ».
Qu’en est-il lorsque le médecin du travail préconise un aménagement du poste en télétravail?? En 2014, la Cour de cassation avait déjà admis que l’employeur manquait à son obligation de reclassement lorsqu’il ne proposait pas au salarié déclaré inapte un poste en télétravail alors que cette mesure était une préconisation du médecin du travail, sauf à justifier de l’incompatibilité du télétravail avec les fonctions occupées par le salarié (Cass. soc., 15 janvier 2014, n°11-28.898?;?Cass. soc., 23 septembre 2014, n°13-12.663).
Dans l’arrêt du 29 mars 2023, l’employeur arguait cependant de l’absence totale de poste en télétravail au sein de l’entreprise et du fait qu’il n’était pas tenu de créer spécifiquement un poste, non-disponible, adapté aux capacités du salarié, ce à quoi équivalait, d’après lui, la préconisation du recours au télétravail en l’occurrence. La Cour de cassation devait donc statuer sur la question de savoir si une entreprise dans laquelle aucun poste en télétravail n’existe peut se voir imposer la mise en place du télétravail au titre de l’obligation de reclassement de l’employeur.
La Cour de cassation relève d’une part, que les missions exercées par la salariée déclarée inapte ne sont pas incompatibles avec un aménagement du poste en télétravail, et d’autre part, que l’absence de mise en place du télétravail au sein de l’entreprise n’exonère pas l’employeur de son obligation de reclassement « dès lors que l’aménagement d’un poste en télétravail peut résulter d’un [simple] avenant au contrat de travail ». Il est donc jugé que l’employeur n’a pas exécuté loyalement son obligation de reclassement et, subséquemment, que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Ainsi, en cas d’avis d’inaptitude du médecin du travail préconisant le recours au télétravail, l’employeur sera tenu – indépendamment du recours effectif ou non à cette modalité de travail au sein de l’entreprise – de proposer au salarié concerné un aménagement de son poste en télétravail, sauf à justifier d’une incompatibilité à cet égard.
Mehdi Harisse