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Dans sa feuille de route 2024/2025, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’ADLC ») avait indiqué vouloir faire face au défi de l’intelligence artificielle, en précisant qu’elle « sera vigilante quant aux préoccupations de concurrence que cette innovation est susceptible de soulever, s’agissant en particulier du risque que les plus grands acteurs du numérique puissent contrôler l’accès aux ressources – données, financements, processeurs, capacités de stockage et de calcul, services d’informatique en nuage (cloud) ou encore compétences – nécessaires à son déploiement ».

C’est dans ce contexte que le 28 juin dernier, l’ADLC a publié son avis sur le fonctionnement concurrentiel du secteur de l’intelligence artificielle (ci-après « IA ») générative à la suite de sa consultation publique lancée le 8 février.

Cet avis présente l’intérêt majeur de fournir une analyse concurrentielle de ce marché et de son fonctionnement.  

Sur les acteurs de la chaîne de valeur :

Le présent avis permet de dresser une vue d’ensemble des acteurs présents dans ce secteur, à savoir :

  • les acteurs qui sont présents sur la chaîne de valeur de l’IA générative, correspondant aux grands acteurs du numérique (à savoir Alphabet et Microsoft) et aux développeurs de modèles (start-ups ou laboratoires de recherches spécialisés en IA) ;
  • les acteurs présents à l’amont, qui sont soit des fournisseurs de composants informatiques, soit des fournisseurs de services d’informatique en nuage ; et
  • les acteurs présents à l’aval qui sont ceux commercialisant de nouveaux services se basant sur l’IA générative à destination du grand public, des entreprises et des acteurs publics, et/ou intègrent l’IA générative dans leurs services existants.

Sur les risques concurrentiels identifiés par l’ADLC :

L’ADLC relève, au sein de ce secteur, plusieurs risques au regard du droit de la concurrence, en identifiant :

  • des barrières à l’entrée élevées, s’expliquant notamment par la nécessité pour les entreprises de disposer d’un financement important, ou encore d’avoir de larges volumes de données ;
  • la présence de certains acteurs sur d’autres marchés en lien avec l’IA générative qui pourrait leur procurer des avantages concurrentiels (i.e. le bénéfice d’un accès privilégié aux intrants nécessaires pour l’entrainement[1] et le développement des modèles de fondation et des avantages découlant de leur intégration verticale et conglomérale) ; et
  • plusieurs risques concurrentiels à l’amont de la chaîne de valeur. En effet, certaines pratiques pourraient être appréhendées d’une part, au regard du droit des pratiques anticoncurrentielles (ex. les risques de verrouillage du marché par les grands fournisseurs de services cloud ou encore les risques relatifs à l’accès aux données) et d’autre part au regard du droit des concentrations (ex. les risques découlant des prises de participations minoritaires et des partenariats des géants du numérique).

Sur les recommandations de l’ADLC :

L’ADLC émet plusieurs recommandations à l’attention des autorités, dont notamment :

  • la Commission européenne devrait porter une attention particulière au développement des services MaaS afin de vérifier si certaines entreprises devraient être désignées comme gatekeepers au titre du règlement sur les marchés numériques et de prohiber certains comportements ex ante ;
  • la DGCCRF devrait être vigilante sur l’utilisation des avoirs d’informatique en nuage conformément à la loi dite « SREN »[2] ; et
  • les autorités compétentes en matière de régulation concurrentielle des marchés (notamment la DGCCRF et l’ADLC) devraient agir de manière rapide et efficace dans le secteur de l’IA générative.

Le dispositif légal et règlementaire relatif au secteur de l’IA générative, ainsi que la pratique décisionnelle, vont sans nul doute s’enrichir et se complexifier dans les prochaines années.  

Le présent avis de l’ADLC permettrait a minima à chaque opérateur économique, quelle que soit son activité, de s’interroger sur son positionnement sur la chaîne de valeur et d’entamer une réflexion, si ce n’est pas déjà fait, sur la façon dont son équipe legal doit aborder le sujet de l’IA.


[1] L’entrainement est une des deux phrases essentielles de la modélisation de l’IA générative identifiée par l’ADLC (au côté de l’inférence). Selon elle, l’entrainement désigne le processus d’apprentissage initiale du modèle, à l’occasion duquel ses paramètres, appelés « poids », seront déterminés.

[2] Loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique

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