Intermarché et Casino condamnés à 4 millions d’euros pour des pratiques restrictives de concurrence
Le 15 mai 2023, la Cour d’appel de Paris a rendu deux nouveaux arrêts confirmant le jugement du tribunal de commerce de Paris du 31 mai 2021.
Le tribunal avait prononcé une amende de 2 millions d’euros à l’encontre d’Intermarché et de Casino respectivement et une amende de 500 000 euros à l’encontre de Monoprix, et ce pour avoir soumis ou tenté de soumettre, certains de leurs fournisseurs, à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
La Cour d’appel rappelle que ce type d’infraction suppose la réunion de deux éléments : d’une part la soumission à des obligations, ou sa tentative, et d’autre part, l’existence d’obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
La soumission ou la tentative de soumission à des obligations implique la démonstration par tous moyens de l’absence de négociation effective ou de la possibilité de négociation des clauses ou des obligations incriminées.
La soumission peut notamment être caractérisée par l’usage de menaces ou de mesures de rétorsion visant à forcer l’acceptation du partenaire.
Selon la Cour, la soumission ne peut se déduire de la seule structure d’ensemble du marché de la grande distribution.
Ainsi, pour chaque fournisseur concerné dans cette affaire, l’analyse de la Cour a porté sur les éléments recueillis dans le cadre de l’enquête de l’administration et d’un examen concret du déroulement des négociations commerciales.
La soumission ou la tentative de soumission a été caractérisée pour L’Oréal, BIC et Kimberly au regard des éléments suivants :
- S’agissant de L’Oréal : les distributeurs ont sollicité un investissement non prévu dans la convention unique annuelle, sans contrepartie motrice, puis ont assorti cet investissement non accepté d’un arrêt de commandes sur plusieurs gammes de produits et ont notifié un arrêt d’approvisionnement pour d’autres références.
- S’agissant de BIC : les distributeurs ont sollicité deux investissements supplémentaires, non prévus dans la convention unique annuelle, en contrepartie de prestations fictives et inquantifiables. Ces demandes ont été assorties notamment d’un déréférencement d’un produit et de la mise en œuvre de mesures de rétorsion pour une perte estimée à 220 000 euros.
- S’agissant de Kimberly : Intermarché a sollicité un investissement de 200 000 euros, non prévu dans la convention annuelle, sans aucune contrepartie et a assortie sa demande notamment de menaces explicites et d’un déréférencement d’un produit.
S’agissant du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties (second critère caractérisant la pratique restrictive de concurrence, la Cour rappelle que l’appréciation du déséquilibre est globale (au regard de l’économie du contrat) et concrète. L’existence d’obligations créant un déséquilibre significatif peut notamment se déduire d’une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d’une disproportion importante entre les obligations respectives de parties.
Pour les fournisseurs L’Oréal, BIC et Kimberly, les demandes nouvelles d’investissements n’étaient accompagnées d’aucune contrepartie exprimée ou réelle, les prestations proposées en retour, lorsqu’elles étaient mentionnées par les distributeurs, étaient imprécises et inquantifiables. Outre l’absence totale de réciprocité réelle dans les obligations, la possibilité pour les demanderesses de modifier les accords négociés annuellement unilatéralement, à leur gré et sans autre raison que celle de la recherche d’un avantage financier sans justification objective et sans égard pour l’idée de coopération commerciale, est elle-même caractéristique d’un tel déséquilibre.