Le droit de l’agent commercial au versement d’une indemnité légale de fin de contrat vaut sauf en cas de faute grave de sa part ayant conduit à la résiliation du contrat. Dans ce cas, l’agent commercial qui se voit notifier la résiliation de son contrat par son mandant est logiquement privé de l’indemnité dont la vocation est de compenser le préjudice qu’il subit du fait de la cessation du contrat. Ces dispositions sont issues de la transposition des articles 17 § 3 et 18 de la Directive 86/653/CEE du Conseil datée du 18 décembre 1986[1].
La Cour de cassation avait une position souple et considérait que la privation d’indemnité légale devait sanctionner l’agent commercial fautif même lorsque la faute grave commise avait été connue du mandant postérieurement à la résiliation et que dès lors, elle n’avait pas été à l’origine de la résiliation. Ainsi, l’élément chronologique était indifférent s’agissant de la découverte de cette faute par le mandant : seule importait l’existence d’une faute grave de l’agent, commise en cours d’exécution du contrat[2].
Pourtant, telle n’est pas la position du juge communautaire. La Cour de Justice de l’Union européenne interprète strictement l’exception au principe de l’indemnisation de l’agent commercial lors de la cessation de son contrat : l’agent commercial ne se trouve privé de l’indemnité légale que dans le cas où sa faute grave a motivé la rupture du contrat par le mandant et qu’elle a donc été connue du mandant avant la résiliation. Si la commission de la faute grave durant le contrat est établie mais est demeurée inconnue du mandant et ne figure pas dans la lettre de résiliation, l’agent ne peut pas être privé de son droit à indemnité[3].
Dans son arrêt du 16 novembre 2022[4], la Cour de cassation a procédé à un revirement de sa jurisprudence et s’est conformée expressément à la position de la CJUE. Dans une affaire où l’agent commercial avait gravement manqué à son obligation de loyauté vis-à-vis de son mandant mais où le mandant avait résilié le contrat sans avoir eu connaissance à la date de la résiliation, de ce manquement, la Cour de cassation a retenu que la Cour d’appel avait violé les textes applicables en rejetant la demande d’indemnité de l’agent au motif qu’il importait peu que le manquement ait été découvert après la résiliation et qu’il ne figure pas dans la lettre de rupture.
[1] Articles L.134-12 et L. 134-13 du Code de commerce
[2] Com. 19 juin 2019, pourvoi n°18-11.727
[3] CJUE, 28 octobre 2010, Volvo Car Germany Gmbh C203-09
[4] Com. 16 novembre 2022, n° de pourvoi 21-17-423