Les décisions relatives à l’exploitation permanente et suivie des œuvres musicales ne sont pas légion. La décision rendue par la Cour d’appel de Paris est d’autant plus intéressante qu’elle rejette la demande de l’auteur, aucune faute suffisamment grave ne pouvant être reprochée aux éditeurs pour justifier la résiliation des contrats d’édition.
Dans cette affaire, un co-auteur d’Alan Stivell avait assigné les co-éditeurs en résiliation des contrats de cession et d’édition de deux œuvres musicales, leur reprochant un défaut d’exploitation permanente et suivie des œuvres qu’il avait coécrit.
Le tribunal de grande instance ayant rejeté sa demande, il a interjeté appel. La cour va confirmer le jugement et débouter l’auteur aux motifs suivants.
S’agissant de l’exploitation graphique, l’auteur faisait valoir que les éditeurs n’avaient pas réalisé d’impression graphique des œuvres. La cour relève que l’exploitation des œuvres musicales revêt aujourd’hui un caractère secondaire compte tenu des autres formes d’édition, notamment phonographiques. En l’espèce, l’exploitation des œuvres est justifiée par la disponibilité des partitions en ligne sur le site planetepatitions.com auquel il était fait référence sur le site de l’éditeur, ainsi que par le paiement sur l’année 2012 à l’auteur d’une redevance de 7,20 euros au titre de la vente de partitions.
Concernant l’exploitation permanente et suivie des œuvres, la cour considère que les éditeurs justifient de la réalité du travail éditorial continu des œuvres, les relevés SACEM/SDRM justifiant quant à eux d’une exploitation réelle.
Enfin, la cour relève que si la plupart des décomptes produits ne concernent pas les œuvres en cause, et que les droits éditoriaux sont quasi inexistants, l’auteur n’a cependant formé aucune réclamation entre 1981 et 2012 (date de l’assignation) et que les droits d’exécution publique et phonographiques lui ont été versés directement par la SACEM/SDRM. Dès lors, les co-éditeurs n’ont pas commis de faute suffisamment grave pour justifier la résiliation des contrats d’édition.
Cette décision doit néanmoins être tempérée car dans d’autres affaires, les juges du fond ont considéré que les seules exploitations phonographiques n’étaient pas de nature à justifier le respect par un éditeur de son obligation d’exploitation permanente et suivie. En l’espèce, l’une des deux œuvres en question avait fait l’objet d’une reprise en 2010 et d’une reproduction interprétée par Alan Stivell sur un album publié en 2011, générant des revenus SACEM.
Il convient également de souligner que la motivation de la cour d’appel s’agissant de l’exploitation graphique avait déjà été utilisée dans une décision rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 15 mai 2014, les juges indiquant que « dans le domaine de la variété, ce mode d’exécution [le support papier] est devenu accessoire et l’éditeur peut valablement exécuter son obligation en rendant les partitions accessibles au moyen d’une base de données numérique ». Toutefois, dans cette affaire, la résiliation avait été prononcée, l’éditeur n’ayant pas établi que les partitions étaient présentes et accessibles en ligne.
Les éditeurs doivent donc veiller à ce que les partitions bénéficient a minima d’une offre de vente en ligne.
Florence DAUVERGNE
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Confirmation en appel du statut d’éditeur d’un site de vente aux enchères et de parking de noms de domaine