L’obligation d’information précontractuelle est une obligation essentielle dans les contrats de vente à distance en ce qu’elle apporte des garanties au consommateur à l’égard du cybermarchand sur les éléments caractéristiques des offres qui lui sont proposées.
Pour encadrer l’essor des relations commerciales dans l’environnement numérique, la directive européenne 97/7/CE (transposée aux articles L121-16 et suivants du code de la consommation) a entériné plusieurs dispositions relatives à la mise en œuvre de cette information préalable portant notamment sur l’identité du commerçant, les caractéristiques essentielles du bien ou du service, le prix et le droit de rétractation. Ces informations doivent être fournies de manière claire et compréhensible par tout moyen adapté à la technique de communication à distance utilisée.
De plus l’article 5.1 de la directive prévoit que « Le consommateur doit recevoir, par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition et auquel il a accès, confirmation des informations mentionnées […] en temps utile lors de l’exécution du contrat et au plus tard au moment de la livraison en ce qui concerne les biens non destinés à la livraison à des tiers, à moins que ces informations n’aient déjà été fournies au consommateur préalablement à la conclusion du contrat par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition et auquel il a accès ». La seule exception à cette règle concerne les services dont l’exécution elle-même est réalisée au moyen d’une technique de communication à distance, lorsque ces services sont fournis en une seule fois, et dont la facturation est effectuée par l’opérateur de la technique de communication.
Dans le cadre d’un litige opposant la société de droit anglais Content Services à l’association autrichienne de protection des consommateurs, la CJUE a été saisie d’une question préjudicielle portant sur la forme selon laquelle les informations relatives à ce contrat doivent être fournies au consommateur ayant conclu un contrat
En l’espèce, la société Content Services, propose sur son site internet rédigé en langue allemande et accessible en Autriche des services de téléchargement de logiciels. Pour pouvoir passer une commande, les internautes déjà inscrits sur le site doivent déclarer (i) qu’ils acceptent les clauses générales de vente accessibles via un lien et (ii) qu’ils renoncent à leur droit de rétractation, en cochant une case prévue à cet effet. Ainsi, les informations précontractuelles requises par la directive n’étaient pas directement présentées aux internautes mais uniquement accessibles en cliquant sur le lien renvoyant aux CGV. De surcroit, aucune information relative au droit de rétractation dont dispose les consommateurs n’était spécifiquement mentionnée dans le mail de confirmation de la commande.
La CJUE a donc dû examiner « si la pratique commerciale adoptée par la société Content Services comporte la fourniture des informations pertinentes au consommateur sur un support durable préalablement à la conclusion de contrat ou, ultérieurement, la réception par ce consommateur de la confirmation de ces informations au moyen d’un tel support ».
La cour retient en premier lieu que dans la mesure où le législateur communautaire a choisi de retenir l’expression selon laquelle le consommateur doit « recevoir » la confirmation des informations précontractuelles, ce terme induit un comportement passif ne requérant pas une action positive de celui-ci. Dès lors, la simple insertion d’un lien nécessitant un clic pour accéder à une page détaillée n’établit pas qu’une information a été « reçue » par le consommateur.
En second lieu, la cour n’a pas considéré que la mise en place d’un lien hypertexte permettait au consommateur de recevoir la confirmation des informations contractuelles sur un support durable, puisque le consommateur n’était pas en mesure « de stocker ces informations qui lui sont personnellement adressées de manière telle qu’il puisse y accéder et les reproduire telles quelles pendant une durée appropriée en dehors de toute possibilité de modification unilatérale de leur contenu par le vendeur ».
Compte tenu de ces différentes considérations, les juges européens ont invalidé le procédé d’acceptation des conditions générales de vente mis en œuvre uniquement par le biais d’une case à cocher accompagnée d’un lien hypertexte communiqué au consommateur.
Cette décision devrait avoir un impact majeur sur les pratiques commerciales mises en œuvre par les sites de commerce électronique établis dans les différents Etats-membres. En effet, les modalités du recueil de l’acceptation des consommateurs constitue un enjeu de taille pour les entreprises du secteur dans la mesure où la majorité des sites marchands propose une interface de validation des commandes simplifiée regroupant sur une page (i) l’ensemble des éléments d’information fournis au consommateur dans la période qui précède la conclusion du contrat, (ii) en bas de laquelle le consommateur est invité de façon succincte à cocher une case de validation des conditions générales de vente qui ne sont pas directement affichées sur leurs écrans.
Ils devront désormais aménager différemment la mise en avant des informations essentielles de façon à alerter leurs consommateurs de façon claire et lisible sur les éléments clés de leurs contrats tout en leur donnant la possibilité d’imprimer ou de sauvegarder les conditions juridiques générales qui leur sont applicables.
Sabine DELOGES