La quatrième chambre de la Cour d’appel de Paris (11 mai 2011), [voir Netcom juin 2011] avait été la première à condamner, sur le fondement de la concurrence déloyale, un prestataire de service de référencement pour avoir contribué « techniquement » à la confusion générée par l’usage sous forme de mot clé d’une dénomination sociale.
La Cour relevait qu’en « proposant le mot clé « Cobrason » dans le programme Adwords et en faisant ensuite apparaitre sur la page de recherche s’ouvrant à la suite d’un clic sur ledit mot-clé, sous l’intitulé « liens commerciaux », le site d’un concurrent à celui correspondant au mot-clé sélectionné », le prestataire de service de référencement, comme l’annonceur, avaient chacun commis des manquements spécifiques et propres à la loyauté commerciale engageant leur responsabilité.
Cette décision faisait écho à la porte laissée entrouverte par la CJUE dans ses arrêts Google du 23 mars 2010. La Cour avait en effet, indiqué s’agissant des hébergeurs que « le fait de créer les conditions techniques nécessaires pour l’usage d’un signe et d’être rémunéré pour ce service, ne signifie pas que celui qui rend ce service fasse lui-même un usage dudit signe. Dans la mesure où il a permis à son client de faire un tel usage, son rôle doit, le cas échéant, être examiné sous l’angle d’autres règles de droit que les articles 5 de la directive 89/104 et 9 du règlement n° 40/94 (droit des marques)… ». Dans ces affaires, la responsabilité des prestataires de référencement avait été examinée au regard des dispositions spécifiques relatives à la responsabilité des hébergeurs.
Dans l’arrêt commenté ici, les juges du fond s’étaient uniquement prononcés sur la concurrence déloyale, supposant la démonstration d’une faute, sans examiner la qualification d’hébergeur. Cette jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour d’appel était toutefois isolée. D’autre part, suivant le principe de la liberté d’entreprendre, il avait été jugé, au contraire, que l’utilisation par l’annonceur de mots clés identiques à une dénomination sociale ou un nom commercial antérieurs, n’est pas de nature à générer un risque de confusion dès lors que l’internaute n’est pas amené à croire que les produits ou services visés par les liens publicitaires proviendraient de l’entreprise portant la dénomination sociale identique ou d’une entreprise qui lui serait économiquement liée (Cf. CA Paris, Pôle 5, Ch.1, 2 février 2011). En l’absence de concurrence déloyale, la responsabilité du moteur de recherche était donc écartée.
Dans l’arrêt soumis à la censure de la Cour de cassation, le prestataire du service de référencement forma un pourvoi en invoquant notamment le bénéfice du régime de responsabilité limitée instauré au profit des hébergeurs par l’article 6, I-2 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique, qui n’aurait pas été examiné par la cour d’appel.
Le prestataire faisait ainsi notamment valoir qu’en application des dispositions de l’article 6, I-2 précité, seule l’implication active du prestataire dans la phase intellectuelle de sélection des mots-clés et de rédaction des annonces pouvait caractériser un « rôle actif » conférant un contrôle et une connaissance des données stockées susceptible d’exclure l’application du régime de responsabilité limitée. Dès lors, une simple contribution technique était inopérante pour engager sa responsabilité.
Florence DAUVERGNE