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Cass. Civ. 1ère, 15 mars 2017
Les conditions de cession par les artistes-interprètes aux producteurs des droits nécessaires à l’exploitation des phonogrammes font l’objet depuis de nombreuses années de différends entre les producteurs et la SPEDIDAM, société de gestion collective représentant les musiciens.

Après dénonciation des accords collectifs de 1969 et 1993 et de nombreuses années de négociation, les organisations syndicales d’employeurs et la plupart des organisations de salariés (treize au total) ont conclu une convention collective qui définit, dans une annexe, les conditions d’emploi, de rémunération et de garanties sociales des artistes-interprètes salariés.

La convention collective prévoit que, lors de l’enregistrement les artistes-interprètes et musiciens, salariés, relevant à la fois de l’application du code du travail et du code de la propriété intellectuelle, bénéficient de la rémunération de leur travail d’enregistrement, de leur droit d’autoriser et de la juste prise en compte de sa valeur, encadrés par la convention. Ils accordent l’autorisation d’exploitation de l’engagement en définissant sa destination, son territoire et sa durée, moyennant une rémunération spécifiée selon les modes définis. Par ailleurs, un protocole additionnel permet aux musiciens de donner autorisation d’utiliser, moyennant une juste rémunération, des enregistrements antérieurs à l’extension de la convention.

La SPEDIDAM et le syndicat FO, qui avaient adhéré à la convention en émettant des réserves, ont assigné les syndicats signataires.

La société de gestion collective demandait l’annulation de l’annexe relative aux artistes musiciens de cette convention, signée en 2008 par l’ensemble des organisations représentatives regroupant les labels, les artistes, les techniciens et les salariés permanents des maisons de disques. Par cette action, la SPEDIDAM contestait le droit individuel des musiciens d’autoriser l’exploitation des enregistrements de leurs prestations et aux partenaires sociaux de prévoir un encadrement minimal des contrats de travail.

Le tribunal, puis la cour d’appel de Paris ont rejeté ces demandes et validé la convention collective. La cour d’appel de Paris annulant l’une des dispositions relatives à la définition des modes d’exploitation en retenant que l’utilisation d’un phonogramme dans une publicité sonore relevait de la licence légale.

Les pourvois comportaient de très nombreuses critiques contre le recours à la convention collective et contre les dispositions adoptées.

La Cour de cassation affirme la légitimité des partenaires sociaux à négocier et conclure un accord collectif qui – tel que celui de 2008 – aménage les modalités de la cession des droits exclusifs des artistes-interprètes salariés dans le respect de la liberté individuelle.

La Cour de cassation valide ainsi définitivement les effets et fonctionnements de cet accord collectif.

La Cour de cassation regroupe les critiques présentées par les pourvois et rejette la plupart des moyens. Elle juge ainsi que :

• Le contrat de travail peut inclure des dispositions relatives à la cession ; celles-ci relèvent donc de la négociation collective.
L’autorisation est donnée individuellement par le salarié (qui la négocie avec son employeur, le producteur).

• Le principe de spécialité ne s’oppose pas au regroupement de plusieurs utilisations identifiées en contrepartie d’une rémunération unique.

• L’article L.214-1 sur la licence légale est limité à la communication directe au public de phonogrammes « déjà publiés » à des fins de commerce, ce qui exclut toute autre utilisation du phonogramme.

• La qualité d’artiste-interprète principal ou de musicien repose sur des critères objectifs, ce qui permet de leur appliquer des dispositions distinctes en matière de rémunération.

• Les nomenclatures des modes d’exploitation sont « seulement indicatives », les parties conservant la liberté de réduire l’étendue des autorisations.

• Les stipulations de la convention collective ne caractérisent pas un exercice des droits des artistes-interprètes par les syndicats, mais définissent une protection minimale.

• La Cour de cassation annule toutefois l’appréciation de deux des dispositions de la convention. En premier lieu, la Cour de cassation affirme que l’incorporation d’un phonogramme publié à des fins de commerce dans un enregistrement distinct est soumise à l’autorisation de l’artiste-interprète et du producteur. La Cour annule donc la décision de la cour d’appel qui avait jugé que l’utilisation de phonogrammes dans des publicités sonores relevait de la licence légale et non du droit d’autoriser des ayants-droit.

• Devant la cour d’appel, les adversaires de la convention avaient critiqué les dispositions qui réunissent en une seule somme la rémunération du travail (séance d’enregistrement) et la rémunération de certaines autorisations (en l’espèce, autorisation de fixer la prestation de l’artiste et autorisation d’exploiter cette prestation selon les exploitations visées au mode A). La cour d’appel avait rejeté leurs demandes d’annulation au motif que « le code de la propriété intellectuelle n’interdit nullement de confondre, dans une seule somme, la rémunération d’une prestation de travail et celle d’une autorisation d’utilisation. » Pour la Cour de cassation cette interprétation violerait les dispositions du code du travail.

La Cour de cassation a fait le choix d’une cassation partielle en renvoyant à la cour d’appel de Versailles de connaître de ces deux griefs.

Il conviendra à la Cour de Versailles d’apprécier ces dispositions.

L’on retiendra que la fixation d’une rémunération minimale sous forme salariale est une revendication des syndicats de musiciens, étant précisé que ceux-ci sont des intermittents du spectacle et que le salaire est la base de leur protection sociale.

Les organisations syndicales ont annoncé qu’elles reprenaient les négociations afin d’assurer la conformité de la convention collective au code du travail et au code de la propriété intellectuelle.

Eric LAUVAUX

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