La cour d’appel de Paris confirme le blocage de sites de téléchargement illicite et statue sur la charge financière des mesures
C’est une décision attendue et remarquée qui a été rendue le 15 mars par la cour d’appel de Paris. L’action avait été initiée par les syndicats de producteurs et de distributeurs de films sur le fondement de l’article L.336-2 du Code de la propriété intellectuelle et le tribunal de grande instance avait ordonné, le 28 novembre 2013, aux principaux fournisseurs d’accès à internet de bloquer l’accès aux sites litigieux, et aux principaux moteurs de recherche d’empêcher l’apparition de résultats renvoyant vers des adresses de ces sites. Les FAI et moteurs de recherche avaient relevé appel de cette décision.
Tout d’abord, elle confirme la recevabilité des syndicats professionnels à engager une telle action pour la défense des intérêts de la profession qu’ils représentent.
Ensuite, la Cour confirme la définition d’intermédiaire de l’internet : l’article L.336-2 CPI étant la transposition de l’article 8 §3 de la directive 2001/29, l’un des moteurs de recherche demandait que la CJUE soit saisie de l’interprétation de cette qualification. La Cour juge que L.336-2 CPI s’applique bien aux moteurs de recherche « qui participent à la transmission dans un réseau d’une contrefaçon commise par un tiers », ce qui correspond à la définition d’intermédiaire selon la directive.
La Cour juge également que la filiale française qui n’a pas de rôle technique, ou de « participation directe et effective », dans l’exploitation du service de moteur de recherche n’en est pas moins un intermédiaire si elle est « susceptible de contribuer » à remédier aux atteintes aux droits.
De même, la Cour confirme que l’action prévue par L.336-2 CPI ne nécessite pas la preuve de la responsabilité des intermédiaires, ni la mise en cause des auteurs des actes de contrefaçon allégués.
Par ailleurs, alors que les moteurs de recherche contestaient le caractère proportionné des mesures, en faisant notamment état de possibilités de contournement des mesures ou encore du risque d’atteinte à la liberté d’expression, la Cour rappelle qu’il n’est pas nécessaire que les mesures demandées aient une « efficacité absolue », et que les mesures de déréférencement étaient en l’espèce proportionnées au vu de l’activité exclusivement ou quasi-exclusivement illicite des sites en question.
Enfin, l’appel incident des syndicats d’ayants droit se limitait à contester la mise à leur charge des coûts des mesures ordonnées par la décision de première instance. Sur ce point, la Cour d’appel infirme la décision du Tribunal de grande instance et juge que les FAI et moteurs de recherche conserveront à leur charge le coût des mesures.
Cette infirmation, très motivée par la Cour, est fondée sur les principes généraux du droit (« une partie qui doit faire valoir ses droits en justice n’a pas à supporter les frais liés à son rétablissement dans ses droits »), mais est également liée au contexte de la piraterie d’œuvres protégées sur Internet. La Cour juge ainsi qu’il est légitime de faire peser sur les intermédiaires la charge financière des mesures, compte tenu d’une part de la menace économique que constitue le piratage pour l’activité des syndicats professionnels et de leurs membres, et d’autre part du fait que les coûts ne peuvent pas être maitrisés par les ayants droit, alors même que « les FAI et fournisseurs de moteurs de recherche sont bien à l’origine de l’activité de mise à disposition de l’accès à [des sites contrefaisants] ».
La Cour précise que la charge des coûts pourrait être supportée en tout ou en partie par les ayants droit dans le cas d’une disproportion eu égard à la complexité, au coût et à la durée des mesures « au point de compromettre, à terme, la viabilité du modèle économique du FAI ou du fournisseur de moteur de recherche », ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Loïc FOUQUET