Par cet arrêt, la Cour d’appel de Versailles statue sur le régime d’exception instauré au profit de l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) à qui la loi a confié la mission de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national.
La cour d’appel de Paris avait confirmé ce jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris, retenant que cette dérogation ne trouvait à s’appliquer que pour autant l’artiste-interprète ait autorisé la fixation et la première destination de son interprétation et, constatant que l’INA ne justifiait pas d’un tel accord, avait condamné l’INA au paiement d’une indemnité.
La Cour de cassation a cassé cet arrêt en jugeant que la Cour d’appel avait ajouté à la loi une condition en subordonnant l’application du régime dérogatoire à la preuve de l’autorisation par l’artiste-interprète de la première exploitation de sa prestation.
Devant la cour d’appel de Versailles saisie sur renvoi par l’INA est intervenue la SPEDIDAM au soutien des demandes formées par les musiciens.
La cour d’appel de Versailles a eu à trancher les questions de principe qui lui ont été présentées.
En premier lieu, la Cour rejette l’intervention de la SPEDIDAM qu’elle juge irrecevable, tant au titre de l’intérêt collectif que de l’intérêt individuel. Au titre de l’intérêt individuel l’arrêt retient que les ayants-droit du musicien ne sont pas membres de la SPEDIDAM (et que celle-ci ne justifie pas d’un intérêt au titre des droits de l’artiste décédé). Au titre de l’intérêt collectif, la Cour retient que selon la loi, les sociétés de gestion collective agissent « pour la défense des droits dont elles sont statutairement la charge » et qu’aucune disposition ne leur a conféré une mission de représenter l’intérêt collectif de la profession. L’arrêt retient que la SPEDIDAM n’a pas qualité de représenter un intérêt collectif.
Après avoir rappelé que les dispositions de la loi ont été validées par le Conseil constitutionnel, la Cour examine ces dispositions au regard du droit européen, tel notamment qu’il a été précisé par l’arrêt rendu le 16 Novembre 2016 par la CJUE sur les livres indisponibles.
La Cour retient qu’il résulte des termes mêmes de la loi que l’applicabilité du régime dérogatoire n’est pas subordonnée à la preuve de l’autorisation par l’artiste de la première exploitation de sa prestation, mais à des accords conclus avec les artistes concernés ou avec des organisation de salariés représentatives.
La Cour rappelle en premier lieu que la preuve d’un consentement écrit n’est pas requise par la législation européenne mais elle retient que cette autorisation est nécessaire.
Pour accepter le mécanisme mis en œuvre par la loi, la Cour retient qu’il ne supprime pas l’exigence du consentement mais qu’il instaure une présomption dont la mise en œuvre est elle-même soumise à des accords collectifs, dont l’objet n’est pas d’accorder une autorisation mais simplement de fixer la rémunération.
La Cour rappelle que les œuvres concernées sont souvent anciennes de telle sorte que les contrats de travail n’ont souvent pas été conservés pour conclure que le régime mise en œuvre instaure donc un équilibre entre l’intérêt général, la liberté d’expression et le droit de propriété intellectuelle des artistes-interprètes.
La Cour retient donc que le mécanisme n’est pas contraire à la législation européenne et rejette les demandes des ayants-droit de l’artiste-interprète.
L’on peut penser que cet arrêt ne met pas un terme définitif à l’analyse de ce mécanisme, notamment compte tenu de l’affirmation du caractère réfragable de l’autorisation.
Etrangement, la Cour ne se prononce pas, en l’espèce, sur les contestations par les ayants-droit de l’artiste-interprète qu’il ait donné une autorisation. L’on peut également s’interroger sur la solution qui sera donnée lorsque l’artiste-interprète a cédé le droit d’exploiter ses prestations à son producteur.
Eric LAUVAUX