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En 2018, le ministre de l’Économie, soupçonnant l’existence de pratiques commerciales restrictives de concurrence, avait fait procéder à des opérations de visite et saisie de documents et avait assigné deux sociétés françaises et deux sociétés étrangères devant le tribunal de commerce de Paris afin de faire cesser ces pratiques et les condamner au paiement d’une amende civile.

Par un jugement du 15 avril 2021, le tribunal de commerce de Paris s’était déclaré compétent en reconnaissant que le litige relevait de la matière civile et commerciale au sens du règlement n° 1215/2012 dit « Bruxelles I bis ».

Toutefois, par un arrêt du 2 février 2022, la cour d’appel de Paris avait infirmé cette interprétation et renvoyé une question préjudicielle à la CJUE pour savoir si la matière civile et commerciale visée par le règlement Bruxelles I bis comprenait dans son champ d’application l’action du ministre de l’Économie.

La CJUE avait alors affirmé, dans un arrêt du 22 décembre 2022, que la matière civile et commerciale visée par ce règlement n’inclut pas l’action d’une autorité publique d’un état membre lorsqu’elle utilise des pouvoirs exorbitants par rapport aux règles de droit commun.

Dans son arrêt du 21 février 2024, la cour d’appel de Paris reconnait la compétence du tribunal de commerce de Paris pour juger de l’action du ministre de l’Économie.

En premier lieu, la cour d’appel rappelle que les actes commis dans l’exercice de la puissance publique échappent au champ d’application du règlement Bruxelles I bis et constate que les pouvoirs d’enquête dont bénéficie le ministre de l’Économie, qui ont permis de recueillir des éléments de preuve dans le cadre d’opérations de visite et saisie, ainsi que la demande de condamnation au paiement d’une amende civile de 117,30 millions d’euros sont des actes accomplis dans l’exercice de la puissance publique.

L’action du ministre est donc exclue du champ d’application du règlement Bruxelles I bis.

En second lieu, la cour d’appel de Paris rappelle qu’en l’absence de règlement européen relatif à la compétence judiciaire, cette dernière est déterminée par extension des règles de compétence territoriale interne.

En droit interne, une telle action est soumise aux règles du Code de procédure civile puisque le ministre de l’Économie peut introduire une action devant les juridictions civiles ou commerciales pour reconnaître, sanctionner et faire cesser des pratiques restrictives de concurrence.

A ce titre, la juridiction territorialement compétente est, selon l’article 42 du Code de procédure civile, celle du lieu où demeure le défendeur. En cas de pluralité de défendeurs, il s’agit de la juridiction du lieu où demeure l’un d’entre eux, au choix du demandeur.

Pour l’extension de cette règle dans l’ordre international, les demandes formées contre les défendeurs résidant en France doivent avoir un caractère sérieux et un lien suffisant avec les celles formées contre les autres défendeurs résidant à l’étranger.

En l’espèce, la cour d’appel reconnaît (i) la compétence du tribunal de commerce de Paris pour connaître de l’action du ministre à l’encontre des deux sociétés françaises et (ii) que ces deux sociétés n’ont pas été attraites de manière artificielle à la cause.

Ce faisant, la cour d’appel de Paris reconnaît la compétence du tribunal de commerce de Paris pour connaître de cette action, y compris à l’encontre de sociétés résidant à l’étranger.

Notons que selon la cour d’appel de Paris, l’introduction de l’article L. 444-1 A du Code de commerce, en ce qu’il affirme le caractère d’ordre public des dispositions de l’article L. 442-6 (désormais L. 442-1 et L. 442-4) et la compétence exclusive des tribunaux français pour tout litige portant sur leur application à des conventions portant sur des produits ou services commercialisés en France est de nature à confirmer cette interprétation.

La cour d’appel réfute donc le raisonnement a contrario des sociétés étrangères qui considéraient qu’avant l’entrée en vigueur de l’article L. 444-1 A du Code de commerce, l’absence de disposition fondant la compétence des juridictions françaises pour connaître d’une telle action rendait impossible la reconnaissance de leur compétence.

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