La Cour de cassation fixe a contrario les conditions dans lesquelles une indemnité transactionnelle versée à la suite d’une rupture conventionnelle individuelle homologuée pourrait être exonérée de cotisations de sécurité sociale.
Cass. civ. 22 octobre 2020 n°19-21932 CELAUR/Urssaf Provence-Alpes-Côte d’Azur
Dans un arrêt non publié au bulletin, la Cour de cassation laisse entendre, a contrario, que l’indemnité transactionnelle versée à un salarié dans le cadre d’une transaction conclue à la suite d’une rupture conventionnelle individuelle homologuée puisse être exonérée de cotisations de sécurité sociale.
Dans cette affaire, à la suite d’un contrôle, l’URSSAF Provence-Alpes Côtes d’Azur avait réintégré dans l’assiette de cotisations une indemnité transactionnelle versée dans le cadre d’une transaction conclue quelques jours après une rupture conventionnelle homologuée.
Plus précisément, l’indemnité de rupture convenue dans le cadre de la rupture conventionnelle était de 1000 euros (supérieure à l’indemnité de licenciement à laquelle la salariée aurait pu prétendre dans le cadre d’un licenciement). Un accord transactionnel est intervenu, sept jours après l’homologation de la rupture conventionnelle, prévoyant le versement d’une indemnité transactionnelle de 4700 euros nets, au motif que le salarié contestait « les conditions de son contrat de travail et la validité de sa rupture conventionnelle ». Selon l’Urssaf, le versement de l’indemnité transactionnelle n’est justifié par aucun litige susceptible d’entraîner pour chacune des parties de renoncer à ses droits.
La cour d’appel confirme le redressement URSSAF au motif notamment que la rupture conventionnelle est « exclusive de tout litige ». Selon la Cour, il existe une contradiction pour la salariée à contester, aux termes de la transaction, les conditions d’exécution de son contrat de travail qui a été conventionnellement rompu, ainsi que la validité de la rupture conventionnelle, signée deux semaines plus tôt, en se voyant accorder une indemnité transactionnelle destinée à «compenser le préjudice moral et professionnel qu’elle subit du fait de la rupture de son contrat de travail », alors même que les éléments constitutifs de ces divers chefs de préjudices ne sont pas déterminés.
Pour rejeter le pourvoi de l’employeur, la Cour de cassation précise notamment qu’il résulte des dispositions du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail, autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa (devenu le 12ème et dernier alinéa) de cet article, sont comprises dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, à moins que l’employeur ne rapporte la preuve qu’elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l’indemnisation d’un préjudice.
Selon la Cour de cassation, la cour d’appel a souverainement apprécié que la société ne rapportait pas la preuve qui lui incombait que la somme litigieuse compensait un préjudice. En conséquence, elle a exactement déduit que l’indemnité transactionnelle devait entrer dans l’assiette des cotisations sociales.
La Cour de cassation avait déjà précisé que s’il est possible de conclure une transaction après une rupture conventionnelle, la transaction doit être conclue après homologation de la rupture, et avoir pour objet de régler un différend relatif à l’exécution du contrat de travail, sur des éléments non compris dans la convention de rupture, la transaction ne pouvant, en aucun, cas porter sur un différend relatif à la rupture du contrat (Cass. soc. 25 mars 2015 nº 13-23368).
Même si in fine dans cette affaire le redressement est confirmé, la Cour de cassation n’a donc pas exclu par principe le fait qu’une indemnité transactionnelle versée dans le cadre d’une transaction conclue après une rupture conventionnelle puisse être exonérée de cotisations de sécurité sociale. Cependant, l’employeur doit apporter la preuve que cette indemnité transactionnelle concourt pour tout ou partie de son montant, à l’indemnisation d’un préjudice. La transaction doit donc être explicite et claire sur ce point.
La Cour de cassation confirme ici l’évolution jurisprudentielle entamée en 2018, lorsqu’elle avait indiqué que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités visées au 10ème alinéa (dans sa rédaction alors applicable à la date d’exigibilité des cotisations litigieuses), de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sont comprises dans l’assiette de cotisations de sécurité sociale à moins que l’employeur apporte la preuve que l’indemnité vise à indemniser, en tout ou partie de leur montant, un préjudice (Cass. soc. 12 juill. 2018 n°17-23.345).
Il sera noté que le pourvoi ne se réfère pas à la position, maintenant ancienne, prise par l’ACOSS en 2013, selon laquelle les indemnités transactionnelles versées à la suite d’une rupture conventionnelle devaient être considérées « comme une majoration de l’indemnité de rupture versée préalablement à la transaction (licenciement, mise à la retraite, démission, rupture conventionnelle, etc.). Dès lors, leur montant doit être cumulé avec l’indemnité de licenciement, de mise à la retraite, etc. et être soumis au régime social et fiscal de l’indemnité en cause. Ces indemnités ne sont pas assujetties au forfait social sauf dans l’hypothèse où une transaction ferait suite à une rupture conventionnelle » (Circ. Acoss 2013-19 du 28 mars 2013). Cette position semble être écartée compte tenu de l’évolution de la position de la Cour de cassation.
Les employeurs devront donc particulièrement soigner la rédaction et la motivation des transactions conclues après une rupture conventionnelle en déterminant clairement les éléments constitutifs des divers chefs de préjudices indemnisés.