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Les clauses de non concurrence sont des instruments juridiques couramment utilisés dans diverses opérations relatives aux sociétés non cotées (transactions, joint-ventures, etc…). A ce titre, elles sont insérées dans les contrats de cession, mais on les rencontre également, pour les besoins de la coexistence des associés, dans des accords de partenariat, pactes d’actionnaires ou statuts.

Rappelons que lors d’une transmission d’entreprise, le principe est qu’en l’absence de clause contraire, rien n’interdit au cédant de continuer à faire concurrence à la société cédée, par exemple en investissant dans une autre société, en créant sa propre entreprise ou encore en qualité de consultant. Sur ce terrain, le droit commun apporte des solutions assez médiocres pour protéger les acteurs économiques, et c’est la raison pour laquelle les praticiens prévoient des clauses contractuelles.

Or, par deux arrêts récents, la Cour suprême a rappelé avec vigueur que la liberté du commerce constitue la règle et la non-concurrence l’exception.

Ajouté à un arrêt du 15 mars 2011, qui avait imposé une contrepartie financière à la clause de non concurrence d’un salarié-actionnaire, on relève ainsi un mouvement notable en faveur du principe à valeur constitutionnelle de la liberté du commerce (Cass. com. 15-3-11).

Rédaction raisonnable des clauses

Dans un arrêt du 13 décembre 2011, la Cour a purement et simplement annulé une clause de non concurrence d’un contrat de cession d’une société de pièces détachées pour automobiles (Com. 13-12-11). Le cédant s’était interdit de (i) vendre à des professionnels pendant une certaine période, alors que ce commerce se fait essentiellement avec ceux-ci et non les particuliers, et de (ii) recruter du personnel de la société pendant cinq ans, tout en étant soumis à des contrôles discrétionnaires périodiques de l’acquéreur.

La clause a été annulée au motif qu’elle était « gravement attentatoire à la liberté commerciale ». Il convient donc de procéder à une rédaction raisonnable d’une telle clause, qui doit en particulier éviter l’écueil d’une atteinte grave à la liberté commerciale du cédant. A défaut, le « rattrapage » à partir du droit commun pour l’acquéreur est complexe. Celui-ci peut toujours, en l’absence de clause de non concurrence ou si celle-ci est nulle, invoquer la garantie d’éviction (C. civ. art. 1626). Mais celle-ci ne joue qu’à des conditions très précises : preuve que le cédant a commis des actes de nature à constituer des reprises des titres cédés ou des atteintes aux activités telles qu’elles empêchent la poursuite de l’activité économique de la société et de réaliser l’objet social. L’acheteur peut aussi mettre en cause, s’il prouve des actes de concurrence déloyale, la responsabilité civile délictuelle du cédant.

D’autre part, la Cour a jugé récemment qu’un associé de SARL1 pouvait, en l’absence de stipulation contraire, valablement exercer une activité concurrente de celle-ci (construction immobilière) et sans en informer cette dernière, sous la réserve seulement de ne pas faire des actes de concurrence déloyaux (tel un débauchage massif de salariés) (Com. 15-11-2011). En revanche, tout gérant doit, en sa qualité, s’abstenir d’actes de concurrence à l’égard de sa société, en vertu d’une obligation de loyauté et de fidélité à charge de tous dirigeants, inspirée de la notion de duty of loyalty et consacrée par l’arrêt Vilgrain en 1996 (Com. 27-02-96). Cette décision éclairante et équilibrée permet ainsi d’enterrer tout doute éventuel sur l’existence d’une obligation de non concurrence implicite à la charge des associés (Com. 6-05-91).

Dès lors, comme l’associé peut ainsi concurrencer librement sa société, la rédaction d’une clause de non concurrence semble souhaitable dans de nombreux cas, pas uniquement dans un contexte de transmission de l’entreprise, mais aussi pendant la vie sociale de la société.

Conditions de validité

Retenons qu’une clause de non concurrence est valable à condition de ne pas être disproportionnée par rapport à l’objet du contrat ou à la protection des intérêts commerciaux en cause. Le fait qu’elle soit limitée dans le temps et l’espace ne suffit pas nécessairement à écarter son caractère disproportionné.

Le mouvement de durcissement opéré par la jurisprudence récente ne doit pas être sous-estimé : en renforçant le principe de liberté du commerce et en consacrant la notion de «contrepartie», cette tendance est nuisible aux prévisions des parties et appelle à la vigilance sur les nouveaux dossiers.

1 Solution valable a fortiori, sauf clause contraire, pour les sociétés par actions ; par contre les sociétés de personnes ne semblent pas concernées.

 

Grégoire GAUGER                                                     Guillaume LECLAIR

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