La loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique met en place l’ARCOM, un nouveau régulateur adapté aux usages contemporains
Loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique
Après une procédure accélérée engagée par le gouvernement, le Parlement a adopté définitivement le 29 septembre 2021, le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique.
La loi prévoit plusieurs évolutions concernant la réglementation du secteur de l’audiovisuel et de la production afin de tenir compte des nouveaux usages. La ministre de la Culture soutient en effet que « la mise en place d’un nouveau régulateur est nécessaire pour accommoder la convergence progressive de l’audiovisuel et du numérique ».
Un des éléments remarquables de cette loi est ainsi la création de l’ARCOM. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique sera issue de la fusion de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) et du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).
Son collège comportera neuf membres : trois désignés par le président du Sénat, trois par le président de l’Assemblée nationale, deux respectivement par le Conseil d’État et la Cour de cassation. Le président de l’ARCOM sera nommé par le président de la République (après avis du Parlement).
Ce nouveau régulateur disposera de davantage de pouvoirs de contrôle et d’enquête, et sera compétent sur tout le champ des contenus audiovisuels et numériques : lutte contre le piratage, protection des mineurs, lutte contre la désinformation et la haine en ligne.
Ainsi, alors que la Hadopi était limitée aux échanges survenant sur les réseaux pair-à-pair (P2P), comme BitTorrent, l’ARCOM doit pouvoir se déployer contre des sites de streaming illicites et des offres de télévision par Internet litigieuses.
En outre, ses pouvoirs auront pour objectif de réguler les communications sur internet, protéger les œuvres culturelles et veiller au respect des droits d’auteur et voisins.
Pour ce faire, le projet prévoit le renforcement de la lutte contre le piratage des programmes audiovisuels et sportifs
La lutte contre les sites internet de streaming, de téléchargement direct ou de référencement qui tirent des profits de la mise en ligne d’œuvres en violation des droits des créateurs est renforcée par différents mécanismes.
– Premièrement, par la mise en place d’une coopération entre l’ARCOM, les opérateurs techniques (FAI, moteurs de recherche…) et les ayants droit (auteurs, chaînes de télévision, producteurs, fédérations sportives etc.) pour l’élaboration de « listes noires » des sites contrefaisants. Cette liste, qui sera publique, pourra appuyer les actions judiciaires des ayants droit et responsabilisera les acteurs qui envisageraient de conclure des relations commerciales avec ces sites ; sites « portant atteinte de manière grave et répétée au droit d’auteur et aux droits voisins ».
– Également sera mis en place un dispositif de blocage ou de déréférencement des sites miroirs, qui reprennent en totalité ou en grande partie les contenus d’un site qui a fait l’objet d’une condamnation judicaire. Le texte prévoit par ailleurs un dispositif de référé au bénéfice des détenteurs de droits de diffusion d’événements sportifs ; ceux-ci pourront obtenir le blocage ou le déréférencement de sites de streaming sportifs en cas « d’atteinte grave et répétée à leurs droits ».
– Enfin, en cas d’atteinte aux « droits voisins », le texte prévoit un mécanisme pour contraindre les plateformes exploitant des contenus de presse à conclure un accord global avec les éditeurs et les agences de presse.
Ainsi, pour mettre en œuvre ces nouveaux outils et laisser place au nouveau régulateur, le 1er janvier 2022, HADOPI sera dissoute et le CSA prendra le nom d’ARCOM.
Par ailleurs, le projet organise la protection de l’accès au public du patrimoine audiovisuel et cinématographique français
Il est requis qu’en cas de rachat de catalogues d’œuvres françaises par des acteurs étrangers, ceux-ci restent en tout temps accessibles au public français. Les grandes plates-formes devront notifier les catalogues d’œuvres qu’elles seraient susceptibles d’acquérir auprès du ministère de la Culture.
Le ministère disposera alors d’un délai de trois mois pour se prononcer et saisir une commission qui aura la possibilité, si elle le juge opportun, de contraindre la société étrangère à apporter des garanties supplémentaires d’exploitation.
Une saisine du Conseil Constitutionnel qui n’emporte pas de modification substantielle de la loi
Après une saisine du Conseil Constitutionnel par plus de 60 sénateurs, celui-ci a rendu une décision le 21 octobre 2021.
Par sa décision n° 2021-826 DC le Conseil s’est prononcé sur certaines dispositions de la loi, qu’il a jugé partiellement non-conformes. Les dispositions litigieuses concernaient notamment l’article 25 de la loi, qui vise à relever le plafond de la sanction pécuniaire qui peut être infligée aux éditeurs de services audiovisuels en cas de manquement à leur obligation de contribution au développement d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, sanctions que les sénateurs jugeaient disproportionnées (elles étaient portées par la loi à deux fois le montant de l’obligation et trois fois en cas de récidive). Le Conseil juge que la répression du manquement à cette obligation répond à l’objectif d’intérêt général qui s’attache à la promotion de la création culturelle et à la production de contenus audiovisuels de qualité. Sur ce point il censure donc uniquement les dispositions concernant l’augmentation du montant des sanctions en cas de récidive, dont la loi ne définissait pas les conditions.
Si le Conseil a également censuré d’office comme « cavaliers législatifs », des dispositions relatives aux conditions et obligations de reprise de certains services de TNT en HD notamment (le paragraphe II de l’article 12, l’article 16 et l’article 18 du projet de loi), les dispositions énoncées précédemment restent d’actualité.
L’autorité de régulation de l’audiovisuel, depuis sa création en 1982 et un règne de plus de 30 ans pour le CSA, changera donc de nom pour la quatrième fois le 1er janvier 2022 et ce nouveau changement s’accompagnera d’une augmentation significative de ses pouvoirs.
Alice Dieulafait