CA Paris, Pôle 5, ch. 2, 1er février 2019
Un célèbre photographe avait réalisé en 1969, la photographie de la première page de couverture d’un magazine et, en 1974, celle de l’affiche d’un film.
Ces deux photographies ayant été reproduites en 2013 au sein d’articles d’un magazine belge francophone, le photographe avait fait établir des constats d’huissier à partir du site internet de la société éditrice et l’avait ensuite assignée en contrefaçon.
En l’espèce, ni la compétence des juridictions françaises ni l’application de la loi française n’était contestée. La société éditrice ne contestait pas non plus l’originalité des photographies ni la qualité d’auteur du photographe.
En revanche, l’éditeur belge contestait la qualité à agir du photographe au motif qu’elle n’avait pas reproduit les photographies en tant que telles mais la couverture du magazine de 1969 ainsi que l’affiche du film de 1974 dont il soutenait qu’il s’agissait d’œuvres collectives distinctes des photographies et sur lesquelles, selon elle, le photographe ne disposait pas de droits.
En première instance, le Tribunal avait retenu l’argument de l’éditeur et avait rejeté l’action en contrefaçon du photographe.
Le photographe interjette appel avec succès.
La Cour rejette la qualification d’œuvre collective tant pour la première page de couverture du magazine que pour l’affiche de film en relevant que les photographies sont présentées en gros plan, sont parfaitement détachables de l’œuvre seconde et en constituent l’essentiel.
La première page de couverture du magazine et l’affiche du film sont des œuvres « composites », dont la propriété appartient à l’auteur qui les a réalisées, sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante. Dès lors, le photographe, auteur des photographies incorporées dans les œuvres secondes que constituent la couverture du magazine et l’affiche du film, était fondé à agir contre des exploitations qu’il n’aurait pas autorisées.
En l’espèce, le photographe contestait avoir cédé son droit de reproduction en ligne et de numérisation de ses photographies. En l’absence de contrat de cession communiqué, la Cour juge que l’exploitation non autorisée des photographies constitue une contrefaçon.
La Cour rejette également les exceptions d’information et de courte citation invoquées par la société éditrice.
Les juges relèvent que les conditions d’interprétation stricte, s’agissant d’une exception, prévues à l’article L.122-5-9 du Code de la propriété intellectuelle (qui dispose que lorsqu’une œuvre d’art graphique, plastique ou architecturale a été divulguée, l’auteur ne peut interdire sa reproduction ou sa représentation, intégrale ou partielle, par voie de presse écrite, audiovisuelle ou en ligne, dans un but exclusif d’information immédiate et en relation directe avec cette dernière), ne sont pas réunies en l’espèce. Selon la Cour, il ne peut être soutenu que la reproduction de la couverture d’un numéro d’un magazine datant de 1969 serait en relation directe avec l’information de la nouvelle parution en 2013 dudit magazine après de nombreuses années d’interruption de publication, ni que la photographie de l’affiche du film ait été reproduite dans un but exclusif d’information immédiate.
L’exception de courte citation est également écartée aux motifs d’une part, que la condition de mention du nom de l’auteur n’était pas remplie et d’autre part, que l’œuvre était presque intégralement reproduite.
Le photographe obtient finalement réparation au titre du préjudice subi mais sur le seul territoire français.
Il sera souligné que sur le même fondement ce photographe s’est opposé avec succès à d’autres reproductions de ses photographies. Les autres exceptions invoquées en défense telles que la théorie de l’accessoire et l’atteinte à la liberté d’expression ont jusqu’à présent été également rejetées.