La preuve de l’usage d’une marque par l’usage d’une marque voisine
Le titulaire d’une marque enregistrée peut, aux fins d’en établir l’usage, se prévaloir de son usage dans une forme différente si cette différence n’altère pas le caractère distinctif de la marque et ce, nonobstant le fait que cette forme différente soit elle-même enregistrée en tant que marque.
La présente décision apporte des précisions sur l’interprétation de l’article 10 paragraphe 2, sous a) de la Directive européenne sur les marques du 22 octobre 2008 qui dispose:
« Est considéré comme un usage de la marque] l’usage de la marque sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas son caractère distinctif dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée».
S’agissant de cette disposition, la Cour de justice précise que :
(i) il ne découle aucunement du libellé de cet article que la forme différente sous laquelle la marque est utilisée ne peut pas elle-même être enregistrée comme marque.
En effet, la seule condition énoncée à cette disposition est celle selon laquelle la forme utilisée ne peut différer de la forme sous laquelle cette marque a été enregistrée que par des éléments qui n’altèrent pas le caractère distinctif de cette dernière.
(ii) rien ne permet de donner à cette disposition une interprétation qui écarterait son application dans le cas d’une marque « défensive », c’est-à-dire dont l’enregistrement n’a d’autre fin que de garantir ou d’élargir le champ de la protection d’une autre marque enregistrée.
Cette décision met fin à la controverse suscitée par l’arrêt de la CJUE du 13 septembre 2007 « Il Ponte Finanziara/OHMI » qui pouvait laisser entendre que la preuve de l’usage d’une marque enregistrée ne pouvait résulter de la preuve de l’usage d’une autre marque enregistrée.
Sur ce point, la cour précise que cette nouvelle précision n’est pas en contradiction avec celle qui résulte de l’arrêt précité en soulignant son contexte particulier, à savoir celui de la protection d’une « famille » ou d’une « série » de marques similaires pour lesquelles l’usage d’un nombre suffisant de marques susceptibles de constituer cette « famille » ou cette « série » doit être démontré.
L’interprétation faite par la Cour est conforme à la finalité de la disposition précitée qui vise notamment à permettre au titulaire d’une marque d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés.
Or, comme le relève la Cour, cette finalité serait compromise si, pour l’établissement de l’usage de la marque enregistrée, il était exigé une condition supplémentaire selon laquelle la forme différente sous laquelle cette marque est utilisée ne devrait pas avoir elle-même fait l’objet d’un enregistrement en tant que marque.
Lysa HALIMI