Par une décision 24-D-06 du 21 mai 2024, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’ADLC ») a sanctionné quatre ententes dans le secteur des produits préfabriqués en béton et prononcé une sanction globale de 76 645 000 euros répartie entre 11 entreprises.
Les entreprises sanctionnées ont été reconnues coupables de plusieurs restrictions de concurrence, notamment la répartition des volumes de chantiers et les échanges d’informations sensibles lors des appels d’offres, les accords sur les prix dont la hausse des tarifs et les accords de répartition de la clientèle.
Il ne s’agit pas dans la présente brève de détailler chacune des pratiques condamnées, mais plutôt de se focaliser sur un aspect notable de cette décision, à savoir l’actionnement de l’article 40 du code de procédure pénale par l’ADLC (au lieu de l’article L. 450-4 du code de commerce).
A l’origine, l’ADLC avait reçu des indices sur l’existence de pratiques anticoncurrentielles, transférés initialement par la brigade interrégionale d’enquête de concurrence (ci-après « BIEC ») de Lille à la DGCCRF.
La rapporteure générale de l’ADLC a alors adressé au procureur de la République de Paris un rapport sur le fondement de l’article 40, alinéa 2 du code de procédure pénale, selon lequel toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.
Le juge d’instruction a alors fait procéder notamment à des interceptions d’échanges téléphoniques et à la réalisation de perquisitions (pénales donc) au sein plusieurs sociétés incriminées ainsi que dans un hôtel, où se tenait une réunion entre des représentants de plusieurs sociétés impliquées dans les pratiques en question.
À la suite de ces perquisitions, l’Autorité a reçu de la part de deux sociétés des demandes de clémence. Ces demandes ont conduit l’Autorité à se saisir d’office des pratiques et à demander au juge d’instruction la communication des pièces de ce dossier ayant un lien direct avec les faits mentionnés dans sa saisine.
Comme le dit l’ADLC, « les pratiques en cause dans la présente affaire ont été révélées notamment grâce à des perquisitions pénales réalisées sous le contrôle d’un juge d’instruction ».
L’actionnement de cette procédure pénale a été fortement contestée par les entreprises mises en cause qui ont considéré que l’ADLC a détourné la procédure de l’article 40 dans le seul but de bénéficier des pouvoirs d’enquête et d’instruction du juge pénal.
L’ADLC leur a répondu que, conformément à la jurisprudence du Conseil d’Etat, le juge pénal est seul compétent pour statuer la régularité de la saisine du procureur de la République et des actes de procédure subséquents…
Avec la collaboration de Théo BIENASSIS
Stagiaire au sein du département droit économique