La prohibition de la rupture brutale est une loi de police
La Cour d’appel de Paris a eu à se prononcer sur la rupture des relations entre deux sociétés (l’une de nationalité suisse et l’autre de nationalité française) d’un groupe spécialisé dans la production et la distribution d’appareils informatiques, et un prestataire de services de marketing direct.
Le prestataire entretenait des relations commerciales depuis neuf ans avec la société française, et avait conclu en août 2009 un contrat-cadre d’une durée de deux ans avec la société suisse, lequel prévoyait l’application du droit suisse et la compétence des juridictions de Genève. A compter de mars 2010, le prestataire n’a plus reçu de commandes. S’estimant victime d’une rupture brutale de relations commerciales établies, il a saisi le Tribunal de commerce de Paris, qui a déclaré sa demande recevable mais l’en a débouté.
En cause d’appel, les sociétés suisse et française soutenaient qu’en application de la clause attributive de juridiction insérée dans le contrat de 2009, les juridictions françaises n’étaient pas compétentes. Par un arrêt du 7 mars 2013, la Cour d’appel de Paris a jugé que l’action fondée sur l’article L.442-6-I-5° du Code de commerce, qui prohibe la rupture brutale des relations commerciales établies, avait un fondement délictuel et non contractuel, et qu’il n’y avait donc pas lieu à application de la clause attributive de juridiction insérée dans le contrat. La Cour a par ailleurs précisé que l’article L.442-6-I-5° du Code de commerce est une disposition d’ordre public et une loi de police, qu’elle doit donc s’appliquer dans les rapports internationaux dès lors qu’ils ont un lien de rattachement suffisant avec la France, ce qui était le cas en l’espèce car les prestations étaient exécutées sur le territoire français.
Sur le fond, la Cour a estimé qu’il y avait eu en l’espèce rupture brutale des relations commerciales établies et que le préjudice consécutif à la brutalité de la rupture devait être indemnisé (à savoir la marge brute qui aurait été réalisée par le prestataire pendant le préavis de rupture suffisant, s’il avait été accordé). En revanche, la Cour a refusé de prononcer une indemnisation des préjudices qu’elle estime découler de la rupture elle-même, et non pas de son caractère brutal, à savoir les pertes d’exploitation, l’atteinte à l’image de marque et le préjudice moral du prestataire. Elle a également considéré que le prestataire ne pouvait pas invoquer, parallèlement à l’article L.442-6-I-5° du Code de commerce, un fondement contractuel pour solliciter une indemnisation complémentaire.