La protection par le droit d’auteur des jeux de société
TJ Paris, 3e Ch. 2e sect., 20 décembre 2024, n°22/08038
Dans une affaire opposant la société créatrice du jeu de société « Juduku » au créateur d’une application mobile proposant un mini jeu intitulé « 7 secondes », le tribunal judiciaire de Paris a précisé les critères d’appréciation de l’originalité des jeux de société au regard du droit d’auteur.
En l’espèce, la société ATM Gaming, éditrice du jeu « Juduku », reprochait au créateur de l’application mobile de reprendre des éléments protégés de son jeu, qu’elle décrit comme un jeu d’ambiance invitant les joueurs à répondre à des questions au ton décalé en moins de huit secondes. Selon la demanderesse, la reprise du design des cartes, de leur rédaction ainsi que de la règle du jeu constituait des actes de contrefaçon et, subsidiairement, des actes de concurrence déloyale et de parasitisme.
Au regard de ces éléments, le tribunal judiciaire de Paris rappelle que, pour bénéficier de la protection par le droit d’auteur, une œuvre doit être originale et que le droit de la propriété intellectuelle ne protège ni les idées, ni les concepts, tels que le mécanisme d’un jeu de société.
Dans cette affaire, ni le design des cartes, ni la rédaction des questions prises isolément ne pouvaient prétendre à une protection. Toutefois, l’analyse du jeu dans sa globalité a conduit le tribunal à reconnaitre son originalité, estimant que « la sélection de nombreuses questions parmi tous les thèmes adaptés à l’esprit de ce jeu, combinée à la règle du jeu, constitue un ensemble de choix créatifs, limité individuellement, mais suffisamment significatifs pris ensemble pour que le jeu porte l’empreinte de la personnalité de son ou ses auteurs et soit donc une création originale protégée par le droit d’auteur ».
Ainsi, le tribunal relève que le jeu « 7 secondes » reprend 69 questions du jeu « Juduku » lesquelles, bien qu’aucune ne soit originale en elle-même, constituent une reproduction illicite en raison de leur reprise en grand nombre et de leur intégration dans les règles spécifiques du jeu. Considérant que cette reproduction constitue une contrefaçon, le tribunal souligne néanmoins le caractère limité du préjudice, dans la mesure où les cartes contrefaisantes ne représentent qu’une part marginale du contenu total du jeu litigieux.
Enfin, la demanderesse avait également invoqué des actes de concurrence déloyale et parasitisme, arguant notamment que le créateur de l’application mobile avait profité de la notoriété et des investissements liés à son jeu. Toutefois, le tribunal a rejeté ces prétentions considérant que les éléments invoqués, comme le design ou le slogan, sont banals et qu’aucune preuve de confusion auprès des consommateurs n’a été apportée.
En conclusion, ce jugement rappelle que si les idées ou concepts ne sont pas protégeables, une combinaison originale d’éléments peut bénéficier de la protection du droit d’auteur, sous réserve de refléter un apport créatif significatif.