La qualification juridique de phonogramme du commerce est indépendante du support physique (bis)
La Cour d’appel de Paris confirme que l’autorisation donnée par les musiciens pour l’exploitation de leur prestation sous forme de phonogrammes du commerce inclut la mise à disposition du public par voie de téléchargement payant.
Depuis lors, la Convention collective de l’édition phonographique, longuement négociée par les syndicats de musiciens et de producteurs, a été signée puis étendue.
Elle précise que l’autorisation donnée par un musicien pour la mise à disposition du public d’un phonogramme comprend la mise à la disposition sous forme matérielle d’exemplaires de phonogrammes et sous forme immatérielle d’exemplaires de phonogrammes communiqués à la demande par un service de communication électronique.
Dans le cadre de cette action d’envergure, la Spedidam visait plus de 200 titres du répertoire français des années 60 à 90 et soutenait que les musiciens ayant participé à ces enregistrements n’avaient donné leur autorisation qu’en vue de la réalisation de « phonogrammes publiés à des fins de commerce », cette notion s’entendant selon elle comme la seule commercialisation de supports physiques.
La SPEDIDAM soutenait que l’autorisation donnée par les musiciens aux producteurs pour la fixation de leur prestation, leur reproduction et leur communication au public sous forme de phonogramme, ne pouvait inclure la mise à disposition par voie de téléchargement payant, ce mode de mise à disposition impliquant selon elle, du fait de la dématérialisation, un changement de destination caractérisant une exploitation secondaire soumise à nouvelle autorisation.
Dans six arrêts rédigés dans des termes identiques, la Cour fait siens les motifs du tribunal et retient que « la qualification juridique de phonogramme du commerce est indépendante de l’existence ou non d’un support physique ; qu’il en résulte que le phonogramme, séquence de sons fixée quel qu’en soit le mode de fixation, ne se confond pas avec « l’objet tangible » mis à la disposition du public dans les bacs des disquaires ».
Alors que devant le tribunal, la SPEDIDAM avait concentré sa démonstration sur la notion de « phonogramme », elle développait devant la Cour un second niveau d’arguments sur la notion de « publication à des fins de commerce ». Elle soutenait en effet que la « mise à disposition du public à la demande » se distinguait techniquement et juridiquement de la « publication à des fins de commerce » en ce qu’elle n’implique pas de remise au consommateur d’un support matériel.
Cette démonstration était fondée sur les directives des 22 mai 2001 et 12 décembre 2006 qui distingueraient le droit de distribution du droit de mise à disposition du public à la demande.
Après avoir rappelé que le phonogramme n’est que la fixation d’une séquence de sons, que sa nature n’est pas changée par la dématérialisation, pas plus que sa destination qui est d’être écouté par celui qui en fait l’acquisition, la Cour conclut que la mise à disposition du public par voie de téléchargement caractérise une mise à disposition du public à des fins de commerce, au même titre que la distribution de support physique.
On signalera également que la Cour consolide sa jurisprudence sur la recevabilité des SPRD en censurant le jugement qui avait déclaré la SPEDIDAM recevable à agir dans l’intérêt de musiciens non membres, dont la preuve de la participation aux enregistrements n’était pas rapportée ou encore dans l’intérêt de musiciens décédés et dont les ayants droit n’avaient pas été appelés dans la cause.
La SPEDIDAM a annoncé son intention de saisir la Cour de Cassation.
Emmanuel EMILE-ZOLA-PLACETéléchargez cet article au format .pdf