La qualité de co-auteur d’une œuvre audiovisuelle

TGI Paris 3ème Chambre – 3ème Section 6 Janvier 2012
TGI Paris 3ème Chambre – 2ème Section 17 Février 2012

Le Tribunal de Grande Instance de Paris a récemment eu l’occasion de revenir sur certains principes relatifs à la qualité de co-auteur d’une œuvre audiovisuelle. Dans la première affaire, le compositeur de la musique d’une « mini-série » en deux épisodes revendiquait la qualité de co-auteur sur le fondement de l’article L113-7 du Code de la Propriété intellectuelle (CPI) pour reprocher au producteur de ne pas lui avoir confié la composition de la musique d’une œuvre audiovisuelle (également en deux épisodes) portant le même titre (auquel avait été rajouté le n° 2).

Le compositeur soutenait qu’il s’agissait d’une œuvre unique dans la mesure où tous les auteurs des deux premiers épisodes, sauf lui, avaient été mis à contribution pour les deux épisodes suivants, qui avaient également en commun : le support audiovisuel, le diffuseur, le titre, la durée du format, le genre « policier », l’histoire relatant les aventures de deux femmes ayant la même identité, la même personnalité jouée par les deux mêmes actrices.

Le Tribunal a suivi les arguments de la production qui faisait valoir qu’il s’agissait de deux œuvres distinctes et autonomes, en s’appuyant successivement sur : le contrat de commande qui limitait la participation du compositeur aux deux premiers épisodes; la signature d’un nouveau contrat de préachat avec le diffuseur pour le deuxième volet de la « mini-série »; l’existence de deux certificats d’immatriculation distincts auprès du CNC et le visionnage des œuvres. A cet égard, le Tribunal a relevé l’absence d’« unité d’intrigue et de scénario entre les deux œuvres », et en a conclu que le compositeur ne pouvait donc pas reprocher à la production de ne pas lui avoir confié la composition musicale des épisodes litigieux.

Le compositeur a également été débouté de ses demandes subsidiaires tendant à faire reconnaitre que le deuxième volet de la « mini-série » constituait une œuvre dérivée ou à tout le moins une œuvre composite.

Le Tribunal a en effet relevé que les emprunts faits par le deuxième volet au premier concernaient le scénario et en a conclu, après avoir rappelé les dispositions de l’article L113-3 al.4 du CPI (selon lequel « lorsque la participation de chacun des co-auteurs relève de genre différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l’exploitation de l’œuvre commune »), que la reprise des éléments du scénario ne pouvait porter atteinte aux droits du demandeur en tant qu’auteur de la composition musicale.

Dans la deuxième affaire après avoir rappelé, sur le fondement de l’article L113-7 du CPI (selon lequel « lorsque l’œuvre audiovisuelle est tirée d’une œuvre ou d’un scénario préexistants encore protégés, les auteurs de l’œuvre originaire sont assimilés aux auteurs de l’œuvre nouvelle »), que l’auteur d’un livre adapté au cinéma bénéficie d’un statut identique à celui des auteurs du film, le Tribunal a clairement énoncé que ce texte n’avait « pas pour conséquence de permettre auxdits-auteurs, ou à ses ayants-droits, de céder des droits qui appartiennent à d’autres ».

Le Tribunal a ainsi mis en perspective les deux droits distincts, qui étaient en concurrence dans cette affaire, à savoir le droit d’adaptation de l’œuvre d’origine et le droit d’exploitation du film qui en a été tiré, l’auteur d’origine ne pouvant à lui seul conférer des droits sur le film.

Ces décisions contribuent à définir les limites des droits conférés par la qualité de co-auteur d’une œuvre audiovisuelle.

 

Dorothée SIMIC

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