Dans un arrêt de principe (Cass. 1ère Civ. 12 mai 2011, « être et avoir »), la Cour de cassation a validé la construction jurisprudentielle de la théorie de l’accessoire, en considérant que lorsqu’il résulte des conditions de la représentation d’une œuvre, que cette dernière est accessoire au sujet traité, elle doit être regardée comme l’inclusion fortuite d’une œuvre, constitutive d’une limitation au monopole d’auteur. Cette exception jurisprudentielle au monopole de l’auteur est assez régulièrement invoquée en défense dans le cadre d’une action en contrefaçon de droit d’auteur.
Dans l’affaire ayant donné lieu au jugement ici commenté, les droits invoqués à l’encontre de la représentation litigieuse d’un modèle de parapluie n’étaient pas des droits d’auteur mais des droits sur un modèle déposé. Le titulaire du modèle reprochait sa reproduction sans autorisation en tant qu’élément de décor d’un visuel publicitaire.
Les défendeurs ont contesté la validité du modèle mais également que la reproduction litigieuse soit constitutive d’un acte de contrefaçon en invoquant d’une part, la théorie de l’accessoire mais également les dispositions de l’article L.513-4 du Code de la propriété intellectuelle définissant l’étendue des droits des titulaires de dessins et modèles.
Après avoir reconnu la validité du modèle invoqué, le tribunal rejette l’application de la théorie de l’accessoire. Tout d’abord, le tribunal juge que la représentation du modèle exclut tout caractère accessoire en relevant que « le parapluie est certes petit et constitue un accessoire composant le décor. Néanmoins son aspect miniature, loin de le rendre secondaire, a au contraire pour effet d’attirer l’attention du spectateur surpris par la disproportion créée entre le mannequin et cet objet…cette transformation subie par le parapluie lui fait perdre tout caractère accessoire pour au contraire en faire un élément essentiel du décor et de l’ambiance créée par le visuel ». Le tribunal écarte ensuite la théorie de l’accessoire en considérant qu’en tout état de cause, cette exception jurisprudentielle ne s’applique pas aux dessins et modèles qui répondent à des règles différentes du droit d’auteur.
Le second argument soulevé en défense concernait les actes constitutifs de contrefaçon tels que visés à l’article L.514-3 du CPI. Les juges relèvent l’absence de tout acte de fabrication et de commercialisation du modèle, le visuel publicitaire litigieux, en ce qu’il est utilisé par l’entreprise pour ses besoins de promotion sans donner lieu à une exploitation commerciale, ne pouvait donc pas être assimilé à un produit qui incorporerait le modèle. Dès lors, le Tribunal retient que les dispositions de l’article L.513-4 du CPI ne permettent pas de considérer que l’usage à titre publicitaire d’un dessin et modèle est un acte illicite.
Néanmoins, pour condamner l’usage incriminé, les juges font une application a contrario de l’article L.513-6 du CPI relatif aux exceptions au monopole conféré par le droit des dessins et modèles. Cet article prévoit notamment que les droits conférés par l’enregistrement d’un modèle ne s’exercent pas l’égard des actes de reproduction à des fins d’illustration ou d’enseignement si ces actes (i) mentionnent l’enregistrement et le nom du titulaire, (ii) sont conformes à des pratiques commerciales loyales et (iii) ne portent pas préjudice à l’exploitation normale du dessin ou modèle.
La contrefaçon, en l’espèce, est retenue, les juges soulignant que même si la reproduction incriminée pouvait être assimilée à un usage en tant qu’illustration, les conditions de reproduction à des fins d’illustration n’étaient pas remplies en l’absence de mention de l’enregistrement du modèle et de son titulaire.
Cette première décision portant sur la mise en œuvre de l’exception « aux fins d’illustration » en matière de dessin et modèle, ne permet toutefois pas de considérer que la reproduction d’un modèle au sein d’un visuel publicitaire pourrait être assimilée à un usage aux fins d’illustration, étant en outre souligné qu’en pratique, il est peu probable que les trois conditions énoncées soient remplies.
Il convient enfin de souligner que le tribunal a écarté la demande en garantie formée à l’encontre du styliste en l’absence de disposition contractuelle à ce titre. Soulignant également le silence de la loi, le tribunal a considéré qu’il n’était pas établi que les usages ou l’équité mettent à la charge de la décoratrice chargée de rassembler les accessoires, une obligation relative aux droits de propriété intellectuelle des objets. Aucune omission d’information de l’agence ne saurait être reprochée à la décoratrice dès lors que le modèle n’était pas encore publié et n’était pas opposable au moment de ses prestations.
Florence DAUVERGNE