Selon l’article L.713-2 a) du Code de la propriété intellectuelle, « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque (…) ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement ».
Toutefois, en vertu de l’article L.713-6 b) de ce même code, le titulaire de la marque ne peut interdire à un tiers l’usage dans la vie des affaires de la marque lorsqu’elle est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service et que son usage ne crée pas de confusion dans l’esprit du public.
En l’espèce, une société spécialisée dans l’ingénierie hydraulique avait effectué des missions de sous-traitance pour le compte d’une filiale du Groupe VEOLIA.
Cette société reproduisait sur son site internet la marque française figurative , la marque française verbale « VEOLIA WATER », et la marque française verbale « VEOLIA ENVIRONNEMENT », dont est titulaire la société VEOLIA ENVIRONNEMENT. Ces marques étaient reproduites dans un onglet « REFERENCES », accompagnées de commentaires élogieux relatifs à la qualité des services rendus par la société et qui auraient été tenus par un salarié du groupe VEOLIA.
La société VEOLIA ENVIRONNEMENT a assigné le sous-traitant en contrefaçon de marques.
Le tribunal a rejeté cette demande en estimant que la reproduction en cause ne constituait pas un usage à titre de marque car elle ne visait pas à identifier l’origine des produits visés au dépôt de ces marques. Selon le Tribunal, ces marques étaient reproduites « en tant que dénomination sociale, pour désigner et identifier les sociétés VEOLIA WATER et VEOLIA ENVIRONNEMENT, pour le compte desquelles la société a travaillé (…) ».
En outre, le Tribunal estime que la reproduction de ces marques sur le site internet de la société défenderesse ne crée aucun risque de confusion dans l’esprit du public.
Subsidiairement, la société VEOLIA ENVIRONNEMENT invoquait l’article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle qui prohibe la reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement, si ladite reproduction ou imitation crée un préjudice à son titulaire ou constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.
Le Tribunal rejette également cette demande subsidiaire, en considérant que même en admettant la renommée des marques, il n’est pas démontré en quoi l’usage reproché constitue une exploitation injustifiée. Pour le Tribunal, cet usage est au contraire justifié par un but légitime, « à savoir informer l’internaute du fait qu’elle a, parmi ses clients, un sous-traitant du groupe VEOLIA, et réalise de ce fait des prestations pour le compte de ce groupe, ce qui caractérise un juste motif ».
Ainsi, une société ayant effectué des prestations pour le compte d’un tiers peut, selon le Tribunal, sans commettre d’actes de contrefaçon, reproduire sur ses outils de communication les marques de cette société en tant que dénomination sociale, pour la désigner et l’identifier.
En outre, le Tribunal condamne le demandeur pour procédure abusive, notamment parce que la procédure en contrefaçon de marque était, selon lui, vouée à l’échec.
Cette condamnation peut paraître surprenante car l’exception de l’article L.713-6 a pour objet de garantir le respect de la liberté du commerce et de l’industrie, en permettant la reproduction d’une marque lorsqu’elle est nécessaire pour permettre à un tiers de faire savoir au public à quels produits s’adaptent les siens, ou quels sont les produits auxquels sont destinés ses services de réparation ou d’entretien. Or, en l’espèce, les marques, dont l’une était purement figurative, n’étaient pas reproduites pour faire connaître au public la destination d’un produit, mais afin de faire connaître au public les noms de clients de la société défenderesse, en tant que gage de qualité et de confiance.
Antoine JACQUEMART