La rupture conventionnelle vaut renonciation réciproque à une éventuelle précédente rupture du contrat de travail – Retour sur la jurisprudence du 1er semestre 2023
Le licenciement verbal est sans cause réelle et sérieuse et l’employeur ne peut pas régulariser la procédure en diligentant, dans un second temps, une procédure de licenciement conforme (pour une illustration récente, voir notre flash ici).
Il existe néanmoins une exception à ce principe : la signature d’une rupture conventionnelle (RC). La Cour de cassation l’a récemment confirmé dans un nouvel arrêt publié au bulletin (Cass. soc., 11 mai 2023, 21-18117).
Un salarié avait négocié une RC de son contrat de travail avec son employeur les 17 et 24 mars 2017, date de signature de la convention. L’administration avait ensuite homologué la rupture le 30 avril 2017, date de fin du contrat de travail. Prétendant cependant avoir fait l’objet d’un licenciement verbal dès le 18 mars 2017, le salarié saisit finalement le conseil de prud’hommes de demandes relatives à la rupture de son contrat de travail le 20 juin 2018.
A l’époque des faits :
- la prescription des actions portant sur la rupture du contrat de travail était de 2 ans (voir ancien art. L1471-1 c. trav.) ; elle est désormais de 12 mois (art. L1471-1 al. 2 c. trav.) ;
- mais la prescription en contestation de la rupture conventionnelle était déjà de 12 mois (art. L1237-14 in fine c. trav.).
En conséquence, en l’espèce, le salarié ayant saisi la juridiction prud’homale le 20 juin 2018, fallait-il considérer que s’appliquait la prescription (i) biennale, applicable à la rupture verbale, ou (ii) annale, applicable à la rupture conventionnelle ? Dans le premier cas, le prétendu licenciement verbal ayant eu lieu le 18 mars 2017, l’action n’était pas prescrite ; dans le second cas, la rupture conventionnelle du contrat de travail étant intervenue le 30 avril 2017, l’action était forclose.
Le conseil de prud’hommes avait jugé l’action du salarié irrecevable. Au contraire, la cour d’appel l’avait accueillie considérant que « la prescription abrégée d’un an prévue par l’article L. 1237-14 du code du travail ne porte que sur la contestation d’une rupture conventionnelle et ne s’applique pas à l’action en reconnaissance d’un licenciement verbal soumise à un délai de deux ans » (ancien art. L1471-1 c. trav.).
La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel rappelant le principe selon lequel « lorsque le contrat de travail a été rompu par l’exercice par l’une ou l’autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d’une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue ». Partant, la RC homologuée le 30 avril 2017 n’ayant pas été remise en cause dans le délai de 12 mois, « les parties avaient d’un commun accord renoncé au licenciement verbal antérieur invoqué par le salarié ».
La haute juridiction avait déjà jugé que la signature d’une RC valait renonciation aux éventuelles ruptures préalables (Cass. soc., 3 mars 2015, 13-20549 à propos d’un licenciement préalable ; a contrario Cass. soc., 16 sept. 2015, 14-10291 s’agissant d’une démission préalable). Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation confirme donc le principe en l’appliquant à un éventuel licenciement verbal.
La rupture conventionnelle demeure ainsi une solution de repli pour un employeur qui aurait rompu un contrat de travail de façon contestable. Faut-il que le salarié en accepte le principe…