La signature d’un artiste-peintre peut-elle être protégée par le droit d’auteur ? Cette question, à notre connaissance inédite, a été soumise au tribunal de grande instance de Paris dans le cadre d’une action en contrefaçon menée par les héritiers de Picasso à l’occasion d’une vente aux enchères portant sur une série de céramiques attribuées à l’artiste.
Les héritiers ont engagé cette action à l’encontre du vendeur des céramiques en arguant que celles-ci constituaient des contrefaçons d’œuvres originales de l’artiste mais également de la signature de ce dernier reproduite sur les céramiques. Pour soutenir ce dernier grief, les héritiers faisaient valoir que la signature de Picasso remplissait les conditions de protection d’une œuvre de l’esprit par le droit d’auteur, en raison « de son graphisme original reconnaissable entre toutes autres signatures ».
Le tribunal devait donc décider si l’originalité peu contestable de la signature de Picasso, mais également le fait que celle-ci soit particulièrement reconnaissable, suffisaient à lui conférer le statut d’œuvre de l’esprit.
Le défendeur n’ayant pas déposé de conclusions dans cette affaire, l’on aurait pu imaginer que l’argument des héritiers serait plus aisément retenu par le Tribunal.
Au contraire, palliant l’absence de réponse du défendeur, les juges rejettent la thèse soutenue en demande. Ils soulignent que si le graphisme d’une signature est unique et différent de tout autre, cela ne suffit pas en faire une œuvre de l’esprit accessible à la protection par le droit d’auteur. Le Tribunal admet en l’espèce que la signature de Picasso est certes « l’expression de sa personnalité » mais que « les choix esthétiques opérés ne sont pas démontrés et le lien spirituel et intellectuel existant entre l’artiste et sa création n’est pas davantage explicité pour que la signature soit considérée comme une œuvre de l’esprit ».
Pour parfaire la démonstration, le Tribunal ajoute que la signature de Picasso, bien que reconnaissable entre toutes, « n’existe pas comme œuvre en tant que telle mais sert à identifier voire à authentifier l’œuvre sur laquelle elle est apposée ». Le Tribunal conclut que la signature constitue donc une « forme de l’esprit » mais non une « œuvre de l’esprit » laquelle est seule éligible à la protection par le droit d’auteur.
Est-ce à dire que la signature de Picasso n’est pas protégeable par le droit de la propriété intellectuelle ? Le Tribunal observe à cet égard que la signature du peintre a fait l’objet de plusieurs dépôts à titre de marque et ne se trouve donc pas dénuée de protection. Il rejette néanmoins les demandes autonomes présentées par les héritiers sur ce fondement, à défaut pour ces derniers de fournir les certificats d’identité correspondants et d’identifier précisément laquelle de ces marques serait contrefaite en l’espèce.
Hélèna DELABARRE
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